Noé regardait l'homme qui lui faisait face avec une gène difficilement contenue. Le type présentait bien. Une coupe de cheveux de militaire. Les traits sains. Les habits propres malgré leur faible coût. Et le regard bleu acier qui ne tremblait pas. Oui. Le genre de type à qui l'on ne pouvait refuser quoi que ce soit. Du fait même de sa droiture. Ou à tout le moins sa dignité. Pourtant, Noé n'avait pas besoin de regarder une nouvelle fois les chiffres que le Crédit Populaire pouvait lui proposer. Ils étaient simples et clairs eux aussi. On ne prête pas à quelqu'un qui souffre d'une maladie potentiellement incurable. Sinon avec une assurance ou des cautions qui assuraient le remboursement du prêt avant son déblocage. Et ce n'était pas le cas. • Je suis désolé Monsieur mais ce ne sera pas possible. Je comprends. Merci de m'avoir reçu. Et d'avoir pris le temps de m'écouter. • Puis je vous poser une question ? • Oui. Bien sûr • Pourquoi ? • Pourquoi quoi ? • Pourquoi vouloir acheter ? • Pour laisser quelque chose • Mais, enfin, à qui ? Le type le regarda alors avec le même regard dur comme l'acier. Et les ridules de ses yeux éclairèrent son visage en même temps que son sourire. • A ceux qu'on aime, M. Ouedraougo. L'homme se leva alors et tendit la main à Noé qui se sentit obligé de se lever pour la serrer. Ils n'échangèrent pas d'au revoir. Mais leurs regards suffisaient à témoigner de leur respect l'un pour l'autre. Noé ne se rassit qu'une fois que l’homme eut fermée la porte de son bureau. Drôle de type. Qui avait sûrement eu une drôle de vie. Et qui en était, semble t il sorti grandi. Quelque chose de difficilement compréhensible pour Noé. De ne pas sortir cassé d'une vie qui ne vous épargne rien. Il avait appelé Rabotin comme prévu, avant de rejoindre Stéphane et Karim. Et quand il lui avait dit qu'il souhaitait retourner à la ZUP il avait compris que ce n'était pas ce qu'escomptait Rabotin. Il le voyait certainement au siège de Bordeaux. Surtout maintenant qu'il n'avait plus de lien avec Poitiers. Rabotin n'en avait pourtant rien dit. Il avait juste accepté et l'avait remercié en lui disant qu'il avait son numéro. Pour quoi que ce soit. Noé l'avait remercié à son tour. Et puis il s'était lancé dans la partie avec Stéphane et Karim. Le Jardin des Plantes , grouillaient de monde à cette heure-ci. Très vite, ils s'étaient retrouvés malmenés par des jeunes qui leur menèrent la vie dure. Il s'en sortirent avec les honneurs. Après avoir gagné deux manches. Et en avoir perdu trois. Le temps passe pour tout le monde avait il dit. Stéphane et Karim n'avaient rien dit. C'était qu'il avait compris jusqu'où l'avait mené les derniers mois. A une plus grande distance. Maintenant que l'été s'annonçait, il ne se sentait pas plus serein pour autant. Il crevait de chaud. La faute aux kilos qu'ils n'arrivaient pas à perdre. Les kilos de la dope. Ce soir il irait jouer. Avec ou sans eux. Qu'il pleuvent ou qu'il crame. Il devait retrouver un minimum de forme. Pour faire face à sa vie. Pour plaire à nouveau. Pour lui. • Monsieur ? On est prêt. • Alors entrez.
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L’ANTIDOTE
Le masque sous la peau
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