Les questions d'ordre, de sécurité, de progrès et de créativité sont essentielles. Elles sont le fondement de la société occidentale. Que la moitié prenne le pas sur l'autre et la vie peut vite devenir compliquée. Et comment ne pas voir qu'aujourd'hui, tel est le cas ? L'ordre. La sécurité. L'identité. Nationale ou autre. L'immigration. Péril à nos portes. Oui. La balance penche. Elle penche dangereusement. Vers moins de liberté. Vers moins de progrès. Vers moins de créativité. Pourtant sans progrès ni créativité, impossible d'avancer. Et tel est le cas. Nous n'avançons plus. Et pour Karim, d’ici peu, nous allons commencer à reculer, même. A prendre le repli sur soi comme une régénérescence et le refus de l'autre comme une trace de caractère. Rien n'est plus éloigné de la vérité. On est jamais plus sûr de soi que lorsque l'on est capable d'accueillir l’étranger. Et plus à même de faire croître les richesses lorsque l'on s'ouvre. Les deux sont liés. Les quatre même. Il faut des piliers solides. Un ordre. Un capacité à la sûreté pour croître et grandir. Alors... Alors difficile de blâmer qui que ce soit. Des quartiers ont leurs propres lois. Des immigrés abusent de nos faiblesses. Et le seul progrès est un progrès monétisé. Autant dire que cela n'annonce rien de bon. Rien du tout. En frappant à la porte des Karatin, Karim ne put s’empêcher de penser aux paroles de Stéphane il y a peu. Le vent va tourner. Oui. C'est inéluctable. Karim espérait juste qu'il tournerait à l'opposé de ce que Stéphane pensait. Et il était persuadé que Anna Karatic partageait sa vision. Bonjour. Excusez moi de vous déranger, je suis un ami de Jean Jacques Karatin. On cherche sa fille et on m'a dit que vous l'aviez vu, est ce que je peux entrer s'il vous plaît ? La dame avait l'âge d'être sa mère. Elle avait aussi la peau flétrie et l'odeur qui sortait par la porte de la maison du bourg de Thuré sentait si fort le tabac que Karim dut faire la grimace. Le regard de la dame était pourtant présent. Bien présent. Suffisamment pour le jauger. Et savoir si elle pouvait lui ouvrir. Elle baissa la tête en ouvrant en grand alors que Karim allait la relancer. C'était bon signe. • Comme ça vous connaissiez Jean Jacques. Oui. On allait dans le même troquet. On s'est parlé quelque fois. De la Yougoslavie. • Je vois. Allez finissez d'entrer. Karim suivit la dame le long du hall blanc comme neige jusque dans le living room en noir et blanc. Elle l'invita à s'assoir dans l'un des deux sofas noirs et alla faire couler deux cafés. Karim constata que la maison était vide. Il n'y avait pas de bruit. Pourtant Arlette lui avait dit que la sœur de Karatin avait une ribambelle d'enfants. Que c'était comme ça qu'elle vivait même. Des allocations. • Vous aimez votre café court ou allongé ? • Court. • Sucre ? • Non. Vos enfants ne sont pas là ? • A l'école. Vous avez vu l'heure qu'il est ? • 15h30. Excusez moi, j'ai des horaires décalés et... • Infirmier ? • Aide soignant. • Sacré boulot. Tenez. Josette Karatin posa sa tasse devant lui sur la table en verre. Tout était propre autour. Et si Josette Karatin avait abusé du tabac ou de l'alcool, c'était un temps qui était révolu. Jamais une maison ne pouvait être aussi propre entre deux verres. • Vous venez pour Anna • Oui. • Elle est passée. Il y a quoi ? Quatre jours. • Passée ? Oui. Je suis pas du genre à foutre les gens dehors. Surtout quand ils sont le portrait craché de mon frère. • Elle est partie où ? • Pour le savoir, il aurait fallu qu'on cause. • C'est-à-dire ? C'est-à-dire, que ce n'est pas une personne qui vaut le détour. Vous comprenez ?
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