Le type semblait vouloir se calmer. A moins qu'il ne fasse que reprendre son souffle. Karim était accoudé comme à ce qui ressemblait désormais à une habitude dans le coin sombre du zinc avec son livre sur Drazen Petrovic et son smartphone connecté à google translate. Et il n'avait pas lu une seule ligne depuis qu'il était arrivé. A côté de lui, l'homme sec et sans âge regardait son verre de blanc cassé sans rien dire. Depuis qu'ils avaient échangé deux mots sur le basket yougoslave et que Karim lui avait posé la question de savoir comment il avait pu les voir, plus une seule parole n'était sortie de sa bouche. Ni hier. Ni ce soir. Mais n'était pas l'attraction. Les types de montmidi venaient d'essuyer une tempête sous la forme de cette homme, la quarantaine bien tassée, légèrement enveloppé dans des fringues mal ajustées qui avait passé son temps à se mêler de leur conversation, avant de finir par les traiter de sales petits pédés de prolos. Arlette avait levé la voix et le type semblait s'être alors rendu compte qu'il se trouvait dans un établissement. Et que cet établissement avait une patronne. Il était venu s'asseoir au zinc, par chance à l'autre extrémité et avait sorti un billet de vingt euros. Arlette, sans rien dire, l'avait servi. Depuis il semblait cuver. Les types de montmidi avaient payé et étaient sortis sans demander leur reste. Ne restaient plus dans le bar que l'homme sans nom, le poivrot, Arlette et Karim. Pensant sans doute au proverbe qui veut que la musique adoucit les mœurs, Arlette avait mis son cd du buena vista social club. Le type n'avait pas réagi. Il sirotait à la suite ses vingt euros de blanc cassé. Et Karim voyait venir gros comme un camion comment tout cela allait finir. Sa canette d'orangina chaude était à peine entamée et cela lui sembla un laps de temps trop important pour espérer éviter la merditude des choses. • Un autre, thénardière. • T'as ton compte mon grand. • J 'ai pas fini mon crédit. Disons alors que je te dois deux verres. Repasse demain ou un autre jour, je te les servirai. Et t'en offrirai un pour le dédommagement. Je crois que tu dois rentrer chez toi. T'as assez fait de dégâts chez moi. Vas te faire foutre. Je t'ai payé. Et ce qui est est dû. Sers moi mon verre, salope ! • Certainement pas si tu me parles comme ça. • Je te parle comme je veux, connasse. Sers moi ce que tu me dois. • Non. Arlette n'eut le temps de rien faire. Ni de poser le verre qu'elle tenait, sec, ni de poser son torchon. Le type l'avait attrapée par dessus le comptoir et lui serrait les cheveux si fort qu'Arlette émit un couinement de douleur. • Si tu veux pas me les servir, je vais le faire moi même alors. Le type fit taper la tête d'Arlette sur le comptoir ce qui la fit vaciller. En un éclair il prit la bouteille de blanc et commença à boire au goulot. Arlette, sonnée, tenta de lui arracher. Christian, je t'en supplie, arrête ça tout de suite. Rentre chez toi. • Tu te souviens de moi maintenant. • Je n'ai pas le choix. Donne moi ça. C'est au moment il allait lever la main sur elle que l'homme sec lui écrasa son verre sur le visage puis fit basculer celui ci sur le zinc. Le bruit de verre frottant les os et le zinc était insupportable. Il lâcha prise presque aussitôt et Christian tomba à la renverse, inconscient. Karim, qui n'avait pas bougé, tétanisé par ce qu'il voyait, revint parmi les vivants pour porter secours à Christian. Il regarda avec toute la crainte que ses actes pouvaient inspirer l'homme sec quitter le bar en s'excusant dans un souffle. • Fais le 15 Arlette. Je vais avoir besoin d'aide.
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Le masque sous la peau
L’ANTIDOTE