L'endroit puait. Une odeur rance d'alcool frelaté et de fruits pourris. Partout par terre, des cadavres de bouteilles. Et aux murs la matérialisation du délire d'un être dérangé. « Tue les ! ». « Venge moi ! ». « Arlette est une pute sauvage ». Ou bien encore « Les rats aiment la ratonnade ». Abject. Abject au delà de tout ce à quoi s'attendait Karim quand il avait posé, avec insistance, les questions qui fâchent à Arlette. C'était en rentrant de Bordeaux. Noé y était maintenu en vie, loin du monde. Sans doute dans le néant. Mais son cœur battait toujours. Et ses poumons avait l'air qu'il lui fallait. Merci à Anna. Elle s'entendrait bien avec Hakim. La même attitude bourrue. La même aisance avec le monde cybernétique. La même volonté. Qui sait, peut- être était ce qu'elle trouverait sa place. A côté d'une barbouze déguisé en salafiste, la vie est tellement bizarre. Comme Arlette lorsqu’il lui avait demandé vivait Christian. C'était une question simple et sans arrière pensée. Presque innocente. Le Guevara sonnait creux à 21h30. Mais Arlette continuait d'astiquer les même verres comme Joe Dassin inondait le bar des résonances de l'été indien. • Pourquoi ? • Il faut que je lui parle. • De quoi ? • Qu'est ce que tu crains ? • Tu ne le connais pas. • Je crois que j'ai eu un aperçu assez parlant de son tempérament. • C'est bien ce que je dis. Tu ne le connais pas. Je ne veux pas le connaître, tu sais. Je veux juste lui poser des questions. Alors t'es comme les autres. Pour un aide soignant, tu manques franchement d'empathie. Oh. Parce que tu crois que je ne suis pas assez grand pour voir derrière les actes ? Je le vois bien victime de son propre destin, ton Christian. Comme je sais que c'est et restera ton unique amour. Sans doute n'êtes vous plus ensemble, parce que ses démons ont fini par avoir raison de ta patience. J'ai bon ? • Connard. Et elle lui avait filé l'adresse de Christian, les larmes aux yeux, avec une dernière mise en garde. • Surtout ne lui fais pas de tort. • Je vais essayer. Maintenant qu'il était dans son repère - car comment appeler un tel lieu à part comme le repère d'un homme dérangé ? - il se mit à regretter d'avoir été aussi dur avec Arlette. Balancer ses quatre vérités sur Christian n'était pas le meilleur moyen de la protéger. Encore moins de l'aider. Il devrait lui parler de toute façon. Lui dire la vérité. La vérité sur ce qu'était réellement devenu son homme. Il plaqua un mouchoir en papier parfumé à la menthe sur son nez et commença à chercher ce pour quoi il était là. C'est en passant du salon à la cuisine qu'il l'entendit. Un ronflement. Un ronflement d'homme ivre mort. Christian était là. Merde. Si il avait le malheur de le réveiller tout serait foutu par terre. Pas de doute qu'il aurait droit à quelques ecchymoses et surtout à la disparition pur et simple des fioles qu'il avait devant lui, posées dans une assiette dégueulasse avec des inscriptions en cyrillique sur chacune d'elle. A côté, un tube d'oxilocoxinum était renversé, les petites billes répandues dans la même assiette. Il avait donc l'arme du crime. Et le modus operandi. Il était temps de s’éclipser.
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