Qu'est que je fous là, aujourd'hui, maintenant ? Conneries. C'est ainsi que Karim se flagellait mentalement alors qu'il avait passé sa seule journée de repos à se balader dans tous les endroits il savait Aïsha avoir ses habitudes. Cela avait commencé ce matin à la Serrurerie . Comme pour la faire venir, il avait commandé la même chose qu'ils prenaient lorsqu’ils étaient ensemble. Thé à la menthe et deux croissants. Il avait mangé les quatre. Et bu une théière. Elle n'avait pas pointé le bout de son nez. Dans sa tête, l'heure était à la remise en question. Il ne pouvait pas ne pas avoir de lien de cause à effet entre son intransigeance à lui et sa compassion à elle. A tel point qu'il revoyait, pour ne pas dire revivait toutes les fois il avait fait l'économie de se mettre à la place des ces patients qui demandait beaucoup, parfois trop, et qu'il n'avait pu s’empêcher dans le meilleur des cas d'ignorer dans le pire de les recadrer, comme on dit. Et il s'en voulait. Était il devenu un mauvais soignant les années passant ? Rien n'était moins sûr. Quand lui luttait pour ne pas exploser, il la voyait comme le modèle à atteindre. Toujours d'humeur égale. Toujours pleinement présente dans chacun de ses actes. Toujours réfléchie. Et aimante. Oui. Aimante. Il ne connaissait pas un seul patient qu'elle ait prise en charge du temps elle travaillait aussi aux urgences ne pas lui demander de ses nouvelles. C'était d'ailleurs une source de problèmes. Les femmes entre elles pouvant se révéler de vraies peaux de vache lorsqu'une d'entre elles s'attire la sympathie de tous. C'est que les peaux de bananes commencent à se répandre dans les couloirs et l'ostracisme à se mettre en place. Elle en avait été victime. C'était sûrement pour cela qu'elle avait quitté le service. Cela s'était révélé une chance pour Karim. Sans sa mise à l'écart, jamais ils n'auraient sympathisé. Jamais il ne l'aurait découverte. Et jamais il ne l'aurait aimé au point d'être sur le parvis des urgences un soir pluvieux de décembre à guetter sa sortie. Il réfléchissait à la manière dont il allait devoir s'expliquer. Il ne voyait pas d'autres alternative au mensonge en ces instants. Peu importe que le type soit un désaxé. Peu importe qu'il soit irresponsable. Il était dangereux. Et c'était presque une obligation que de l'empêcher de recommencer. Sur une autre femme. Ou sur elle encore. Mais ça, elle ne saurait l'entendre. Pas maintenant. Parce que derrière son indulgence, son départ révélait un besoin d'oublier. D'oublier ce qu'elle avait subi. D'où son changement de look. Elle voulait aussi oublier ce qu'elle était. Comme si c'était elle la cause de ce qu'elle avait subi. Comme si c'était sa faute. Oui. Là était la vérité. • Qu'est ce que tu fous là ? • Anna ? • Non, le pape. • Excuse moi j'étais ailleurs. Je te renvoie ta question. J'ai une vilaine toux et mon médecin m'a dit de venir aux urgences mais c'est tellement blindé et il y a tellement de types qui toussent que je crois que je serais mieux chez moi. • Attends, viens avec moi. Karim entraîna Anna à sa suite et fit le tour des bureaux après avoir salué ses collègues et demandé quel ordinateur était libre. • T'as une carte vitale et une carte de mutuelle ? • Tiens. • Ton adresse ? • Ben... • Laisse tomber, je vais mettre celle de ton frère. • Il va être ravi. • Chacun sa croix. Allez suis moi. Karim la fit s’asseoir sur un fauteuil roulant et sa collègue lui indiqua le box 5. Derrière des voix s'élevaient devant ce traitement de faveur. Il reconnut Damien, un interne qu'il affectionnait particulièrement. • Elle souffre de symptômes grippaux. Son médecin l'a envoyé ici. Sans rien dire Damien l'ausculta avec attention puis lui dit qu'une infirmière allait venir lui faire une prise de sang de routine avant de prendre le bras de Karim et de l'attirer dans le couloir, une fois la porte fermé derrière l'infirmière. • T'est pote avec Noé Ouedraougo, non ? • Oui. Oui. Pourquoi ? Comment tu le connais ? • Il s'est chopé une merde. Une vraie merde.
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