Il faisait frais à l'arrêt de bus de Laborit. Une bise toute droit venu de Sibérie répandait son air sec et glacial. Même maintenant que la nuit commençait à tomber. Romain. Romain Lazar n'était toujours pas sorti de l’hôpital. A croire qu'il voyait beaucoup de monde dans ce lieu. Entre le moment il l'avait croisé et celui il était venu l'attendre à l'arrêt de bus, il en avait appris un peu plus sur ses activités. Romain Lazar était infirmier libéral. Grosse voiture. Gros moyens. Un cabinet d'une dizaine de salariés. Un mec en place, quoi. Il s'était fait un spécialité, toute personnelle, d'accompagner et de suivre des patientes internées ayant subies des violences physiques. Qu'elles soient conjugales ou liées à la prostitution sous toutes ses formes. Et il le faisait bien. Nombre d'entre elles, avec son aide, avaient réussies à trouver la force de refaire leur vie. La plupart en déménageant. En quittant Poitiers. Cela faisait de lui une personne particulièrement respectée par le personnel et les psychiatres de Laborit. Quand il avait demandé à la cadre de santé qui l'avait interpellé et qu'elle lui avait expliqué tout ceci, elle n'avait pu s'empêcher de conclure en disant qu'il était « un homme d'une bonté inestimable ». Si elle savait. Si seulement elle savait. Il aurait moins mal au crâne. Moins la nausée. Moins la gueule de bois. Et celle qui l'aimait serait toujours à ses côtés. C'était personnel. Et plus. Bien plus. Karim ne sut dire si cela venait des années passées ou de son intuition, mais il était sûr qu'il n'y avait qu'à gratter. A chercher le lien. Celui qui reliait chacune des femmes et des hommes qu'il aidait. La cadre avait été claire. Uniquement les victimes du sexe. Et celles qu'il laissait derrière lui ? Et Arlette ? Aïsha ? Pourquoi ? Il fallait qu'il sache. Maintenant. Avant qu'il ne soit trop tard. Avant qu'elle ne revienne plus jamais. Avant que son foie lâche. Avant qu'il ne nuise à nouveau. Il sortit au volant de son 4x4 audi et Karim n'eut aucun mal, avec sa clio d'un autre âge à suivre son allure. La première surprise fut qu'il ne fila pas vers le plateau mais obliqua sur la rocade intérieure vers le sud de la ville. Comme la moitié de la population des paramédicaux de Poitiers, il devait vivre aux alentours de Fontaine le comte. Le pays de la bourgeoisie moyenne. Mais quand vint le moment d'obliquer vers Poitiers sud, le 4x4 continua tout droit, direction Biard. D'un seul coup Karim se sentit moins rassuré et desserra sa filature. L'avait il remarqué ? Il savait qu'ils se connaissaient, et si Karim avait l'esprit plus clair et l'occiput moins douloureux cela ferait longtemps qu'il saurait à qui il avait à faire. Finalement ils atteignirent la Zone de la République, juste après Biard. A priori sa journée n'était pas finie. Karim le laissa filer, fit demi tour sur la deux fois deux voies et gara sa clio à bonne distance d'un entrepôt en enfilade de la maison Penaud , spécialiste des vêtements de travail. Il le vit ouvrir la porte du hangar avec un digicode sans qu'il ne puisse retenir les chiffres et l'ordre de leur saisie. Il allait devoir attendre. Il leva la tête et regarda autour de lui, puisque c'était tout ce qu'il pouvait faire. Harmonie médicale. Boite centrale dans la fourniture de matériel aux professionnels de santé. C'était chez eux qu'il était entré. Bordel. Ça ne collait pas. Les infirmiers libéraux se faisaient livrer. Et la boutique d'Harmonie médicale était avenue Jacques Cœur. Karim s'avança jusqu'à se positionner sous une fenêtre. Les vitres étaient fumées. Impossible de savoir ce qui se tramait à l’intérieur. Il se rabattit sur la voiture de Lazar. Et tout s'éclaira.
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