Noé rentrait à peine dans l'agence qu'il entendait que le ton montait. Après la soirée arrosée de la veille avec Karim, Aisha, Stéphane et sa sœur, il avait ressenti le besoin de boire un grand jus d'orange. Il avait acheté un pack. Histoire de tenir la journée. Quand il avait quitté l'agence, il était encore seul. Il adorait arriver tôt et profiter du silence pour s'atteler aux statistiques que la direction lui demandait. Sans parler qu'il était plus facile de prendre du recul sur l'activité de l'agence (et de son personnel) au calme. Aujourd'hui s'annonçait chargé de plus. Le remplaçant de Christian devait arriver incessamment sous peu. Et il tenait à lui faire bonne impression. En effet, rares étaient ceux qui demandaient à venir travailler dans la ZUP. D'après ce que lui avait dit Rabotin, c'était une pointure en matière de crédit. Noé avait commencé à échafauder une nouvelle répartition des activités pour optimiser le potentiel du bonhomme. C'était peut-être un peu tôt mais son agence était à la traîne en matière de crédit, l'occasion était trop belle pour ne pas en profiter. Il était donc plongé dans une intense réflexion sur un changement radical des missions de ses deux chargés de clientèle lorsqu'il avait poussé les portes de l'agence, maintenant ouverte. Et c'est qu'il avait entendu une voix éraillée parler plus fort que la normale. Bande d'enculés, vous croyez que vous êtes la seule banque, je vais fermer mes comptes vous allez voir et je vais pas me priver pour dire que le Crédit Populaire est une bande de sales fils de putes. Bougnoule de mes deux, va ! Stupéfait par les dernières paroles, Noé était resté figé devant le bureau de Ziad, face au sien. L'espace d'un instant il eut presque peur. C'est pas possible se dit il. J'en finirai jamais avec les racistes. Le types se trouva nez à nez avec lui alors qu'il s'apprêtait à rentrer dans le bureau de Ziad, histoire de savoir de quoi il retournait. • C'est vous le patron ? • Oui. Vous êtes ? • Un client mécontent. • Rentrez, on va voir ce qu'on peut faire. Le type prit les devants et ouvrit lui-même la porte du bureau de Noé. Crime de lèse-majesté s'il en est. Noé ne releva pas l'affront et fit le tour de son bureau après avoir posé son jus d'orange et prit deux dolipranes. Il avait déjà mal au crâne avant que la joute ne commence. • Qu'est ce qui vous arrive, monsieur ? Christian. Christian Ferjoux. Et il m'arrive que je suis au Crédit Populaire depuis que je suis en vie et qu'aujourd'hui , alors que je n'ai jamais été une seule fois à découvert et que j'ai besoin d'une avance et d'un crédit, votre arabe me les refuse. Bon. D'abord, je ne vais pas relever vos propos et je vais vous écouter. Si vous changez de ton. Le type regarda Noé avec une air hagard. Il n'avait pas compris. Noé le laissa mariner un peu, le temps que son ordinateur fasse afficher son dossier. Arrêtez vos conneries racistes, ok ? Sinon, vous pouvez sortir dès maintenant. • Je suis un bon français, moi. J'ai des droits. • C'est pour quoi ce crédit ? • Pour une voiture. Une voiture sans permis. Noé n'eut prit même pas la peine de regarder la capacité d'emprunt du type. Elle était nulle. Fin de droit. Chômage. Des débit faibles mais réguliers. Un teint rougeaud. De la sueur sur le front. Et une odeur de ricard qui lui polluait le nez. Je suis désolé M. Ferjoux mais je ne peux que vous proposer d'augmenter votre découvert. Vous êtes comme les autres. Un enfoiré de banquier. Putain, mais c'est pas votre argent ! Non. Mais c'est ma responsabilité. Je fais autant ça pour moi que pour vous. En plus de vos soucis, vous voulez être interdit bancaire, c'est ça ? Le type marqua une pose puis soupira profondément comme s'il essayait de se calmer. Il s’épongea le front avec un mouchoir en tissu qui sentait la vinasse puis planta son regard dans celui de Noé. Vous ne faites que me foutre la tête sous l'eau un peu plus, en fait. Si j'ai pas de moyen de locomotion, comment voulez vous que je trouve du travail ? Surpris, par la lucidité et l'à propos du type, Noé resta bouche bée. Et se sentit coupable. Vous avez de la chance que je travaille à la préfecture. J'ai de l'argent. • Vous n’êtes plus au chômage ? • Je vois. Vous êtes aussi à jour que Pôle Emploi
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