Karim n'était pas sûr d'avoir compris. Il regardait Aïsha qui le fixait avec intensité. Une agression sexuelle. Dans l'obscurité des alentours de la Milétrie. Il y a maintenant six mois. La perte de la foi. Qui revenait pourtant. Comme si l’épreuve avait forgé une détermination plus grande chez elle. Une douceur plus justifiée encore. Peu importe les cheveux. Peu importe les tatouages et les piercings. Elle n'avait que de la compassion pour son agresseur. Lui sentait la haine gronder dans son ventre. Et elle allait devoir sortir. Pour que justice soit faite. • Tu sais qui c’est ? Écoutes, tu m'as demandé pourquoi je n'étais plus la même et je t'ai dit que j'étais encore plus moi-même. Le passé est le passé. Laisse le en paix. • En paix ? Mais moi je ne peux pas le laisser en paix. • Arrêtes s'il te plaît. Pour moi. Lâche l'affaire pour moi . • Qui c'est ? Karim ne pouvait s'empêcher de penser qu'un homme ayant agressé la seule femme qui avait le courage de partager sa vie se promenait en liberté sans qu'aucun compte ne lui soit demandé. Cela faisait cinq minutes qu'il en avait pris connaissance mais il savait qu'il ne trouverait de paix qu'après avoir rendu justice. Par tous les moyens nécessaires. • Je ne lâcherai pas. Dis moi qui c'est ? Aïsha commanda un autre pepsi à Arlette. Elle aussi avait des cernes grands comme des valises. Elle portait une intense fatigue jusque dans ces gestes. Elle si bavarde, se contentait de servir. Et le Buena Vista Social Club tournait en boucle depuis plus d'une semaine. Quelque chose n'allait pas chez elle aussi. Et il savait ce que c'était. Qui c'était. Karim se renfonça sur sa chaise, attendant la réponse de Aïsha et scrutant le monde de cette fin d'après midi venu fêter la débauche au Guevara. Rien que du très habituel. Et pas de trace de Christian. Il devait avoir une belle balafre maintenant. Arlette lui avait expliqué qu'il s'était introduit chez elle, au dessus du bar. Elle avait été obligé de changer sa serrure. Mais il avait insisté. Et la police était intervenue. Depuis elle vivait dans la peur de le voir surgir, malgré l'interdiction de l'approcher prononcée par le juge. • C'est un malade. • Non, tu crois ? C'est un résident de Laborit . Je n'ai pas été assez prudente, c'est tout. Je ne veux pas l'enfoncer plus. C'est juste une homme malade. Il serait certainement jugé irresponsable. • Qu'est ce qu'il t'a fait ? • Je...écoute...Laisse tomber. Aïsha avait fini son pepsi d'un traite et posé un billet de vingt euros avant de disparaître dans la foule grouillante du Guevara. Karim n'avait pas couru après. Il avait juste senti la boule se former au fond de sa gorge. Et la tristesse remplacer la colère dans son cœur. La seule femme qu'il croyait pouvoir voir vieillir venait de s'en aller. Et il n'avait aucun moyen de la venger. Cette haine, terrible et justifiée ne trouverait pas d'exutoire. Il prit une profonde inspiration et regarda son smartphone. Il connaissait quelques soignants à Laborit. Peut-être, par recoupement pourrait il mettre la main dessus. Et le faire payer. Mais ce ne serait plus une vengeance ni rendre justice. Ce serait une trahison. Une trahison envers celle qu'il aimait. • Arlette, tu connais bien le nouveau commissaire ?
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Voleur dans la loi
L’ANTIDOTE