C'était comme un étau. Une force surhumaine qui lui enserrait le cortex. Il en connaissait le nom. Il en connaissait la provenance. Le blanc. Le vin blanc. Cassé. De mauvaise qualité donc. Mélange dur de molécules d'éthanol et de sucre industriel. Tout ce qui ne fallait pas pour avoir les idées claires. Karim se passa une main sur le visage et tourna machinalement la tête vers l'autre côté du lit. Il était vide. Normal. Il regarda l'heure aussi. Comme un réflexe. 10H32. Il était de repos de toute façon. Le temps pouvait aller au rythme qu'il voulait. Il s'extirpa de sa couette, le mal au crâne se fit encore plus prégnant. Il poussa la porte de sa chambre et alla directement dans la salle de bain. Paracétamol. Puis il enfila son short de basket. Il puait. Il n'avait pas le laver depuis au moins deux sessions. Ce n'était rien pourtant. Rien du tout. Son compteur venir de subir la pire des punitions. Une remise à zéro. Que lui restait il de cette nuit alcoolisée. De quoi la justifier. Oui. De quoi aller de l'avant. La douleur se fit moins présente, d'un coup. Il se fit couler un café et alla, avec son mug, se poster dans son jardin. Il avait maintenant un salon de jardin. Fini le carton renversé et la chaise déplacée. L'herbe était coupée court. Il fallait dire qu'il avait tenu bon. Il avait changé. Il était devenu sobre. Ce retour auprès de ses démons s'avérait encore plus dangereux. Car il savait. Il savait ce qu'il allait se dire. Et ce qui allait se passer. C'est un accident. Une fois en passant. Demain j'arrête. Conneries. Il savait sans vouloir l'accepter qu'il consommerait encore. Ce soir. Ou demain. Peu importe. Elle était partie. Et il n'avait pas la force de rester celui qu'elle avait fait de lui. Le café était brûlant. Il farfouilla sa poche et en sortit une cigarette électronique. Il tira dessus à plusieurs reprises. Son esprit sembla s'éclaircir. Il avait moins mal à la tête. Le café fut moins brûlant la fois suivante. Oui. Tant qu'à faire, autant accepter l'état des choses. Et en profiter. Aller de l'avant. Après tout, n'était ce pas le lot de tout un chacun ? Avancer avec ses démons. Il finit son café d'une traite et fila sous la douche. Il avait du taf. Il devait en avoir le cœur net. Savoir si Arlette disait vrai ou pas. Savoir si Christian était un victime ou un bourreau. Les apparences sont trompeuses. Il le savait. D'expérience. De profession. Elle lui avait dit que le type qui l'avait agressé était à Laborit. Un fou en semi liberté. Un fou qui se permettait des choses que son état pardonnait. Psychotique paranoïaque. Pas un pervers. Pas un maniaque. Un psychotique. Qui voyait des choses. Qui voyait le pire. La mort. La terreur. Et qui, lorsqu'il agressait quelqu'un, donnait toujours la même explication. « Il allait me tuer. Je ne pouvais que lui administrer l'antidote ». Parole de fou. Paroles déculpabilisantes. Il rassembla son portable et ses papiers et sortit. L'air était doux. Il ne s'en était pas aperçu dans son jardin. Ça sentait le printemps. Le bus arriva comme lui. Il le laissa rouler jusqu'au marché Notre Dame puis prit la correspondance jusque Laborit. Là il était perdu. Où logeait ce fou ? Était il là ? Et qu'attendait il en fin de compte ? En fin de compte elles avaient raison. Il n'était victime que de son propre malheur. Et elles aussi. Alors pourquoi ? Pourquoi Ferjoux avait il laissé tomber ? Ce n'était pas son genre. C'était un con. Mais un con avec des principes. Il devait en avoir le cœur net. Il franchit le seuil d’accueil du C.H. Laborit. Et tenta le tout pour le tout. Bonjour, je suis un ami de Romain. Ça fait longtemps que je ne l'ai pas vu mais j'aimerais vraiment le voir. • Romain comment ? • Romain Lazar. • Désolé , il ne loge pas chez nous. • Ah bon ? Je croyais que... Mais il vient souvent. C'est un visiteur. Tenez le voilà. Romain ! Putain. Il connaissait ce type. • Salut Candice. Qu'est ce qu'il y a ? • Ce monsieur ne te rappelle rien ? Karim vit le regard de ce Romain se voiler. Il l'aurait juré, il savait lui aussi. D'aussi loin que cela puisse être, il savait qui était Karim. Non. Non. Je suis désolé, je cherchais à voir un patient. Il a dû sortir. Merci pour votre aide. Et Karim renfonça sa casquette en espérant que l'homme n'ait pas eu le temps de mettre un nom sur son visage. Ferjoux avait raison. « On ne peut rien contre ces enfoirés ».
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