Noé
raccrocha
le
téléphone
et
jeta
son
stylo
sur
son
dessus
de
table
en
cuir.
Il
regarda
le
stylo
rouler
chaotiquement
jusqu'à
s'arrêter,
le
flanc
du
dessus
de
bureau
franchi,
au
pied
du
porte
crayons
noir
et
or
où
il
aurait
dû
être
reposé.
Dehors,
par
la
fenêtre,
il
entendait
les
premiers
accords
de
guitare
et
les
premiers
tam
tams
résonner
plus
bas
dans
la
rue.
Il
était
presque
20h.
Dans
le
séjour,
ses
filles
avaient
beaucoup
de
mal
à
suivre
ce
que
leur
mère
leur
disait.
Il
faisait
chaud.
Si
chaud.
Comme
si
le
jour
de
l'été
marquait
le
début
des
grandes
chaleurs.
Jusqu'ici
le
temps
n'avait
su
se
tenir
plus
de
quelques
jours.
Jusqu'à
aujourd'hui.
Noé
sentait
que
c'était
parti
pour
durer.
Et
qu'ils
allaient
avoir
chaud.
Très
chaud.
Tous.
Il
inspira
une
grande
bouffée
d'air
et
reprit
son
stylo
en
rouvrant
le
dossier qu'il avait fermé.
Nassim
El
Jawad
était
connu
des
services
de
police,
le
commissaire
Favreau
venait
de
lui
confirmer.
Ils
avaient
dressé
une
fiche
S
sur
lui
dès
son
arrivée
sur
le
sol
français.
C'était
à
Marseille,
via
Egyptair.
Il
y
a
moins
de
deux
semaines.
Depuis,
ils
savaient
qu'il
avait
retrouvé
la
communauté
musulmane
pictave.
Rien
de
plus.
Les
temps
étaient
au
fichage
mais
pas
à
leur
suivi.
Favreau
lui
avait
précisé
qu'il
n'était
pas
un
de
ceux
qui
était
parti
pour
revenir.
C'était
un
émigrant
né
en
Syrie,
du
côté
d'Alep.
D'être
de
ce
coin
de
la
Syrie
était
la
raison
qui
lui
avait
valu
d'être
fiché.
Un
coin
sauvage
là
bas,
lui
avait
dit
Favreau,
où
les
loups
et
les
agneaux
sont habillés pareils.
El
Jawad
avait
demandé
l'asile
politique
à
la
Préfecture
de
Marseille
et
la
demande
était
en
cours
de
traitement.
C'est
quand
ils
avaient
parlé
de
le
loger
dans
un
hot
spot
de
l'UE
quelque
part
aux
alentours
de
Nice
qu'ils
avaient
failli
le
perdre.
De
fait,
ils
auraient
perdu
sa
trace
s'il
n'était
venu
demander
des
nouvelles
de
sa
demande
d'asile
à
la
Préfecture
de
Poitiers.
D'après
Favreau,
sa
fiche
S
avait
subi
sa
dernière
actualisation
à
ce
moment
là.
L'adresse
y
était
changé.
C'était
celle
de
Raymonde
Gourdeau.
Et
un
commentaire
faisait
état
de
l'inscription
au
relais
George
Charbonnier
où
des
analyses
sanguines
avaient
été
faites.
Toutes
étaient
depuis
revenu
négatif
et
il
s'était
inscrit
à
des
cours
de
français
auprès
du
même
relais.
Un
immigrant modèle.
Quand
il
avait
rappelé
Raymonde
Gourdeau,
après
qu'il
eut
parlé
à
sa
petite
fille,
il
en
avait
eu
confirmation.
Cet
ancienne
enseignante
qui
avait
vu
la
société
française
fleurir
puis
se
faner
n'avait
pas
baissé
les
bras
sur
ce
que
voulait
dire
résister,
aider
et
accueillir.
Elle
l'avait
aidé
à
parler
français
au
relais
Charbonnier,
et
voyant
qu'il
ne
se
mélangeait
pas
autres,
elle
l'avait
accueilli.
« C'était
ça
où
je
ne
dormais
plus »
lui
avait
elle
dit
quand
il
avait
évoqué
l'Armée
du
Salut
et
les
alternatives
à
un
hébergement
chez
elle.
Quant
aux
dangers
potentiels,
il
avait
pu
encore
voir
le
caractère
trempé
de
la
vieille
dame.
« Vous
parlez
d'agression ?
De
viol?
Ce
serait
plutôt
à
lui
d'avoir
peur
.
Mon
mari
est
mort
depuis
vingt
ans
jeune
homme ;
quant
à
mes
biens,
ils
ne
sont
plus
à
moi,
mais
vous
le
savez
déjà
non ? ».
Bien
sûr
qu'il
le
savait.
A
ce
moment
là,
c'était
même
la
raison
de
son
appel.
Sa
petite
fille,
très
proche
de
sa
grand
mère,
avait
entamé
une
procédure
de
mise
sous
tutelle
et
depuis
les
biens
de
la
grand
mère
était
bloqués.
Elle
ne
pouvait,
et
ses
ayant
droits
non
plus,
se
servir
d'une
quelconque
manière
que
ce
soit,
de
l'argent
d'une
vie
de
travail.
C'était
là
la
conséquence
de
l'arrivée
d'El
Jawad
dans
ses
pénates.
Et
la
réaction
de
sa
famille
était
tout
à
fait
légitime. Elle devait avoir perdu la boule. Où être manipulé.
Quand
il
avait
raccroché,
il
n'avait
aucun
doute
qu'elle
faisait
tout
cela
autant
pour
aider
son
prochain
que
pour
emmerder
sa
famille.
Et
elle
y
était
arrivée.
Mais
elle
savait
ce
qu'elle
faisait.
Elle
était
lucide,
consciente
et
cohérente
tant
dans
ses
propos
que
dans
ses
actes
ou
ses
décisions.
Il
en
avait
définitivement
été
convaincu
lorsqu'il
lui
avait
demandé
les
raisons
du
crédit.
«
A
votre
avis,
on
trouve
du
boulot
comment
quand
on
a
aucun
moyen
de
s'y
rendre ?
Ne
me
dites
pas
que
vous
êtes
un
de
ses
bobos
qui
croient
qu'il
se
trouve
à
portée
de
bus,
quand
même,
si ? ».
Aussi
il
lui
avait
dit
qu'il
allait
réexaminer
sa
demande
et
ils
s'étaient
quittés
presque
dans
un
sourire.
Après,
la
journée
était
passée,
emportant
ce
qu'il
était
censé
faire,
coincé
qu'il
était
entre
les
demandes
d'interdiction
bancaire
et
la
chaleur.
Il
avait
fui
son
bureau
autant
pour
la
chaleur
que
pour
son
incapacité
à
y
trouver
un
échappatoire.
Et
encore,
ce
n'est
qu'après
avoir arbitré son dernier dossier qu'il avait contacté Favreau.
Il
suait
maintenant.
Il
avait
soif
aussi.
Et
sa
tête
était
proche
d'exploser.
A
sa
porte,
il
entendait
ses
deux
filles
tenter
de
percer
ce
qu'il
faisait.
Les
essais
sonores
de
la
scène
Place
d'Armes
semblaient
être
effectués
dans
son
salon.
Et
sa
femme
prenait
une
douche,
il
sentait
l'odeur
de
sa
crème
lavante
passer
sous
le
seuil
de
la porte.
Un immigrant ?
Un djihadiste ?
Une résistante ?
Une folle ?
Un immigrant djihadiste ?
Un résistante folle ?
Un immigrant fou ?
Un résistante djihadiste ?
Sa tête puait l'AVC.
Il était temps de couper les ponts pour aujourd'hui.
Ses
filles
déguerpirent
plus
vite
que
des
souris
une
fois
la
porte
de
son
bureau
ouverte.
Il
les
attrapa
l'une
et
l'autre
sous
chacun
de
ses
bras
et
les
fit
tourner
comme
quand
elles
avaient
6
mois.
Elles
rirent
de la même manière.
C'était bon. C'était frais. C'était temps.
- T'es prête ?
- Et toi ?
- J'ai soif
12
L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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