Stéphane pendait. Ses pieds ne touchaient plus terre. Ses bras voulaient s'arracher de son corps, bien au dessus de son crâne. Des bruits. Des voix. Une odeur de viande crue. Et le froid. Un froid qui lui faisait croire que l'on était en hiver. Il marchait sur la place d'Armes mais le verglas l'empêchait de rejoindre l'abord de la place. Il y avait des gens tout autour de lui. Et aucun ne souffrait du même handicap. Il le regardait se démener et riaient. Les enfants qui passaient près de lui le pointaient du doigt. Et des voix cognaient son cortex comme Holyfield. - T'es qu'un enfoiré. - Ferme ta gueule. Tout est de ta faute. - Assume tes actes. - Je l'ai toujours fait, et regarde ça nous mène. T'aurais jamais dû faire ce que tu as fait. - T'aurais jamais dû me mentir. Stéphane connaissait ces voix. Il savait à qui elles appartenaient. Mais la glace continuait à lui résister. Et il ne se souvenait pas. Dans ses poumons, c'était comme si l'air commençait à lui manquer. Son cœur n'arrêtait pas de battre pour autant. Il battait plus fort. De plus en plus fort. C'est à ce moment qu'il ne vit plus rien. Ni ses pieds. Ni le verglas. Ni la place. Ni ceux qui parlaient autour de lui. Le rêve finit en même temps qu'il inspirait . C'était comme remonter à la surface après une dangereuse plongée en apnée. Il toussa et cracha un peu. Et vit qu'au rêve succédait le cauchemar. Ses pieds patinaient sous lui comme ils cherchaient le sol. Ses bras étaient hypertendus au dessus de sa tête ses mains enchaînées étaient retenues à un croc de boucher. Il y avait une lumière si forte face à lui, qu'il ne voyait rien. Il tourna la tête pour protéger ses yeux. Il vit un porc accroché au même croc que lui, les chaînes en moins. Sa tête était le point d'accroche. De l'autre côté il y avait le même animal mort. Et plus loin, un autre patineur absurde gigotait, pendu comme lui à un croc trois mètres cinquante au dessus du sol. Il essaya de voir devant lui. Des ombres passèrent devant le faisceau lumineux. Des hommes. Baraques. Avec des armes de guerre. Et puis quelque chose entre eux et lui. C'était posé sur un trépied, légèrement décalé sur sa gauche, presque face à l'autre pendu. Il crut voir une diode rouge qui clignotait. Ses bras lui faisaient tellement mal. Et ses pieds n'arrêtaient pas. Ils bougeaient sous lui, mus par le stress, la peur et le vide. Il y avait du sang un peu plus bas. Rouge carmin sur le sol carrelé blanc. Ce devait être le sien. Il sentit presque l'adrénaline se déverser dans son système sanguin. La peur. La peur à l'état pur. A l'état brut. Il gigota plus fort, comme si cela pouvait le sauver. Cela attira l'attention des ombres sous la lumière. L'une d'elle grandit si fort qu'elle masqua la puissance du projecteur au moment elle s'immobilisait devant lui. Il ferma les yeux et arrêta de gigoter puis laissa sa tête tomber sur son torse. Plus rien ne bougeait. Plus rien ne s'animait autour de lui. Seul le cliquetis de ses chaînes troublait le ronronnement de ce qui provoquait ce froid si mordant. Un silence total. Un silence infernal. Un silence de mort. - Il est réveillé ? - Non, mais il commence à avoir des spasmes. Faut s'occuper de lui maintenant. - Non. Elle d'abord.
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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