Noé avait eu le temps de retrouver Sarah un peu plus loin dans la foule depuis qu'il avait laissé Karim tenter de comprendre le texto de Stéphane. Le show allait bientôt commencer maintenant que la nuit avait recouvert définitivement la place d'Armes. Les décibels montaient doucement et le rythme de la musique s'accélérait à la même vitesse. Des jeux de lumières firent leur apparition , révélant comme des stroboscopes le visage de ceux qui l'entouraient. Il se sentait vieux d'ailleurs. Et définitivement trop propre. Alors qu'ils avaient définitivement abandonné l'idée de communiquer, il voyait dans la moue de Sarah le reflet exact de ses propres pensées. Légèrement décalés, nous sommes, pensa t il. Des bruits de gros pétards le détourna de ses pensées comme de Sarah pour regarder le ciel. Bien que les détonations ressemblaient à des feux d'artifices, aucune lumière ne vint révéler le jour dans la nuit et il porta son attention sur la scène ou des ombres chinoises jouaient un drôle de balai. C'était comme une scène de kung fu, le rideau blanc n'avait jusqu'à présent projeté que l'ombre des platines. Deux hommes semblaient chorégraphier un affrontement ancestrale. Celui des ténèbres et de la lumière. Une deuxième détonation retentit et Noé n'eut pas le temps de réagir. La foule le renversa comme le rideau se déchirait, il reconnut Karim au moment il assommait un homme plus grand que lui avec l'une des baffles qu'il avait arraché au mur d'enceinte. La lumière crue et irradiante des projecteurs au néon donnaient maintenant tout à voir. Il vit l'homme s'effondrer et Karim être projeté au sol par des hommes dont la précision des gestes et la célérité ne faisaient aucun doute sur la profession. Il chercha Sarah dans la foule puis à terre. Entre les jambes qui passaient entre lui et elle, il vit son regard passer du soulagement à l'effroi. Il crut l'entendre lui crier quelque chose mais ne réussit qu'à prendre un coup de genou sur la tempe. Puis une nouvelle détonation retentit et il se roula en boule afin de ne pas être davantage piétiné. Il entendit que d'autres commençaient à faire comme lui. Sans oser regarder de nouveau vers l'hôtel de Ville, il devina que des fusils automatiques avaient être sortis. Il fit alors le mort. Et les semelles des chaussures des badauds continuèrent à gratter le sol autour de lui. Un sol si chaud qu'il avait un goût d'enfer. Il ne voyait plus Sarah, et ne devinait pas Karine à sa gauche. Il se mit à espérer qu'elle avait pu retourner chez eux. Il espérait aussi que les balles sauraient se perdre. Et puis que le sang ne viendrait pas à couler. Il espérait que Karim avait fait ce qu'il fallait. Il espérait que le calme qu'il sentait maintenant signifiait que l'assaut était terminé. Que tout allait bien se passer. Il osa alors relever la tête. Tout était noir. La scène était invisible. Et la place ressemblait à un énorme sit in . Il vit un homme zigzaguer depuis la rue de la Serrurerie. Sa silhouette avançait comme étrangère à ce qui se passait. Au loin les sirènes se faisaient maintenant entendre. Depuis combien de temps étaient ils tous ainsi ? Il était incapable de le dire. Tout était noir. Tout était obscurité. Tout était silence. Un larsen rompit cet apocalypse. Une voix sévère se fit entendre depuis la scène. - Ici le commissaire de police Favreau. Vous êtes dorénavant en sécurité. Je vous demande de regarder vers la scène. Le frottement des corps qui se retournent puis les mains qui repoussent les bustes à la verticale. - Veuillez évacuer la place dans le calme . Tout danger est définitivement écarté. Noé commença à se relever. Son dos lui faisait mal et il lui était difficile de déplier ses grands segments sans toucher ses voisins. Il vit alors une main se tendre devant lui qui l'aida à finir de se redresser. L'homme avait le visage de la peur. Ses yeux noirs hagards plongèrent dans ceux de Noé et ses deux bras l'attirèrent contre lui. Avant qu'il ne puisse comprendre, Noé entendit un cran d'arrêt s'ouvrir et un main se poser sur sa nuque. - De la part d'El Jawad. Dieu est grand sale fils de pute.
16
chapitres
>>
<<
L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
Depuis 2017
ALC Prods