La
Zone
de
la
République
s'étendait
de
tout
son
long
au
delà
du
pare
brises
de
Stéphane,
succession
de
cubes
sans
ouvertures,
façonné
à
coup
de
plaques
de
taule
ou
de
béton
.
Les
couleurs
oscillaient
difficilement
entre
le
blanc,
le
gris
et
le
rouge,
déjà
harassées
par
la
chaleur
matinale.
Lorsque
le
feu
qui
le
retenait
passa
au
vert
,
il
ne
suivit
pas
le
flot
d'automobilistes
en
route
pour
le
travail
et
tourna
à
droite,
laissant
la
ville
à
sa
gauche.
Ce
qu'il
cherchait
se
trouvait
en
retrait,
caché
au
terminus
d'une
impasse.
Il
se
gara
une
centaine
de
mètres
avant
et
finit
de
rejoindre
l'entrepôt
de
l'imprimerie
nationale
à
pied
et
sans
un
bruit.
De
chaque
côté,
stagnaient
les
mêmes
entrepôts,
blocs
anonymes
que
seul
les
camions
venaient
visiter.
Les
bips
des
semi
reculant
couvraient
le
vacarme
de
la
rocade
seulement
à
quelques
centaines
de
mètres.
Souvent,
ceux
qui
travaillaient
derrière
les
murs
de
ces
bâtisses
se
comptaient
sur
les
doigts
d'une
main.
Ici,
n'était
qu'une
halte
pour
les
marchandises.
On
ne
fabriquait
ni
ne
transformait
rien.
On
gérait
simplement
les
flux
des
marchandises
de
l'arc
atlantique.
C'était
la
planque
idéale.
Le
fonctionnaire
qui
assurait
la
surveillance
des
documents
de
la
République
passait
pour
un
de
ses
gardiens
d'un
entrepôt
de
ciment
ou
de
pièces
détachés.
Aucun
signe
distinctif.
Certainement
pas
d'uniforme.
Quand
Stéphane
arriva
à
une
dizaine
de
mètres
des
quais,
il
se
dissimula
entre
la
haie
et
le
grillage
à
leur
exacte
perpendiculaire.
De
là
,
il
allait
pouvoir
suivre
ce
qu'il
s'y
passait.
Et
il
comptait
bien
qu'il
s'y
passe
quelque
chose.
A
sa
montre,
9
heures
arrivait.
Il
se
demanda
s'il
n'avait
pas
raté
l'essentiel
du
transit
lorsqu'un
camion
réfrigéré
vint
s'amarrer
au
premier
quai
devant
lui.
Deux
policiers
en
uniforme
descendirent
et
le
gardien
vint
leur
serrer
la
main.
De
brèves
paroles
plus
tard,
un
trans
palette
chargeait
un
monticule
de
papier
dans
l'arrière
du
petit
transport.
De
là
on
aurait
dit
des
rames
de
papier.
Stéphane
savait
que
c'était
bien
plus
que
du
papier.
Le
fait
que
le
camion
soit
réfrigéré,
indiquait
que
l'encre
devait
être
à
peine
sèche.
Et
que
les
documents
n'avaient
pas
été
plastifiés.
Ils
étaient
vierges.
Exactement
ce
que
Stéphane
recherchait.
Il
quitta
sa
planque
et
retourna
à
sa
voiture
sans
attendre
que
le
camion
soit
totalement
chargé.
Le
camion
passa
devant
lui
moins
de
dix
minutes
plus
tard.
Les
deux
fonctionnaires
de
police
ne
le
remarquèrent
même
pas.
L'un
deux
avait
ouvert
la
fenêtre
et
fumait.
Un
rire
gras
parvint
à
Stéphane
comme
ils
le
dépassaient.
Il
leur
laissa
une
cinquantaine
de
mètres
puis
leur
emboîta
le
pas.
La
stature
du
véhicule
l’autorisa
à
leur
laisser
un
peu
plus
de
champ
libre,
si
bien
qu'au
feu
de
la
rocade,
quelques
voitures
s'étaient
intercalés
entre
eux.
Il
franchit
la
quatre
voies
et
plongea
à
la
suite
du
transport
vers
l'avenue
de
Nantes
puis
la
porte
de
Paris.
Au
feu,
le
camion,
lui
joua
un
premier
tour.
Au
lieu
de
remonter
le
boulevard
du
Grand
Cerf,
il
se
positionna
direction
Buxerolles,
obligeant
Stéphane
à
faire
une
queue
de
poisson
saluée
d'un
coup
de
klaxon
au
SUV
qui
le
collait
de
trop
près.
Il
était
maintenant
lui
aussi
collé
au
camion.
Les
flics
n'avaient
même
pas
regardé
dans
leur
rétroviseur
lorsque
sa
manœuvre
aurait
pu
le
trahir.
Ils
démarrèrent
en
même
temps
que
le
feu
passait
au
vert.
Cette
fois,
Stéphane
anticipa
et
se
positionna
pour
remonter
vers
la
ZUP.
Il
croisa
le
regard
du
conducteur
au
moment
où
il
enclenchait
son
clignotant
et
ralentit
pour
lui
laisser
le
temps
de
se
rabattre.
Les
deux
autre
feux
étaient
au
vert
et
ils
les
franchirent
en
accélérant
avant
de
se
lancer
dans
la
côte
de
la
ZUP.
Les
gaz
d'échappement
se
mirent
à
sortir
par
grandes
bouffées
du
camion.
Et
le
bruit
de
son
moteur
couvrit
celui
de
Stéphane.
L'odeur
des
particules
de
diesel,
mêlé
à
l'air
stagnant
et
lourd
rendait
la
montée
encore
plus
douloureuse.
Une
fois
franchie
la
côte,
le
camion
lui
joua
une
deuxième
tour.
Au
lieu
de
filer
vers
la
place
de
Coïmbra
et
le
commissariat
de
quartier,
il
tourna
aussitôt
vers
les
faubourgs
de
Buxerolles,
de
l'autre
côté
de
l'avenue
de
l'Europe.
Cette
fois,
Stéphane
ne
put
rien.
Il
s'engagea
vers
la
place
de
Coïmbra
et
se
dépêcha
de
fermer
sa
Clio
avant
de
traverser
l'énorme
avenue
et
de
s'engouffrer
entre
les
blocs
d'immeubles.
Il
trottinait
encore
lorsqu'il
aperçut
le
camion
réfrigéré
au
pied
d'une
des
barres
d'appartement
clôturant
la
ZUP.
Un
peu
plus
en
aval,
les
pavillons
étaient
déjà
visibles.
L'arrière
était
ouvert
mais
Stéphane
ne
pouvait
dire
si
le
contenu
chargé
quelques
minutes
plus
tôt
y
était
toujours
au
complet
ou
même
partiellement.
Il
allait
s'en
approcher
lorsqu'il
vit
un
ado
en
train
de
consulter
son
smartphone
juste
à
l'entrée
du
parking.
Assis
sur
son
scooter,
il
semblait
complètement
indifférent
à
tout
ce
qui
se
passait
autour
de
lui.
C'était
un
guetteur
pourtant.
L'exact
contraire
de
ce
qu'il
donnait
à
voir.
L'habitude
rendait
ses
gosses
comme
ça.
Ils
avaient
grandi
dans
si
peu
de
place
qu'ils
pouvaient,
rien
qu'au
bruit
ou
au
mouvement,
savoir
ce
qui
était
normal
de
ce
qui
était
suspect.
Stéphane
n'alla
pas
plus
loin
que
le
banc
situé
face
au
camion,
juste
derrière
la
rangée
des
voitures
des
habitants.
Le
guetteur
leva
les
yeux
vers
lui
et
les
rabaissa
aussitôt.
Il
était
grillé.
Il
fit
semblant
d'être
essoufflé
et
se
releva
pour
commencer
des
étirements.
Peut-être
que
le
gosse
goberait
son
jeu
de
dupes.
En
se
penchant
en
avant
sur
sa
jambe
gauche,
il
bascula
la
tête
et
vit
les
deux
flics
venir
lui
serrer
la
main.
Il
ne
manqua
pas
le
billet
de
100
€
qu'ils
y
glissèrent.
Au
moment
où
le
gosse
allumait
son
scooter,
les
deux
flics
tournèrent
la
tête
vers
Stéphane.
Il
ne
releva
rien,
restant
de
glace
dans
son
rôle
de
jogger.
L'heure
matinale,
la
température
encore
supportable
et
sa
tenue
semblèrent
convaincre
les
deux
fonctionnaires.
Ils
retournèrent
au
camion
et
le
laissèrent
même
passer
lorsqu'il
traversa
l'entrée
du
parking
en
courant.
Ils
les
entendit
revenir
sur
leurs
pas
puis
le
bruit
du
camion
fut
emporté
par
le
flot
de
l'avenue.
Stéphane
comprit
que
la
voie
était
libre.
Et
que
c'était
le
meilleur
moment
pour
croire
en l'impossible.
35
L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
Depuis 2017