Quand Karim réussit à sa garer avenue de la Fraternité, en face le lycée de Kyoto , il ne s'attendait pas à voir autant de monde. Saint Eloi avait la réputation d'un quartier résidentiel plutôt tranquille dans la majeure partie de son territoire. Et, au delà des faits divers qui faisaient les choux gras de la presse et frémir les anciens dans les campagnes, à cette heure il aurait cru voir une ville déserte. Mais les lycéens étaient en pause et plusieurs lecteurs allaient et venaient jusqu'à la médiathèque qui lui faisait face. Trouver une place n'avait pas été chose aisée et traverser l'avenue fut plus long qu'il ne le pensait compte tenu de la circulation. Une fois du bon côté de la rue, il laissa derrière lui le bâtiment de bois et de verre de la mairie annexe et n'eut qu'à faire quelques pas pour se trouver face à l'entrée du magasin d'épicerie générale de Stéphane. C'était la première fois qu'il y mettait les pieds maintenant qu'il était ouvert. Il fut surpris par le travail qu'avait accompli Stéphane depuis qu'ils avaient ensemble installé frigos et étagères. L’endroit bénéficiait d'une grande baie vitrée à l'est baignant tout le local à la meilleure heure, ce qui avait néanmoins le désavantage de restreindre sa surface exploitable. Il avait su en tirer partie en y plaçant ses produits frais qui semblaient posés dans une immense corbeille en rotin, donnant un air campagnard à l’îlot. Pour rattraper l'espace perdu, les rayonnages étaient répartis en 3 U qui s'imbriquaient les uns dans les autres contre les pans de murs aveugles. Sur leur côté est, dans le renfoncement de l’îlot aux fruits, se trouvait la caisse, résumée au stricte nécessaire. Un plan pour poser les produits, un ordinateur relié à une base de données et aux caméras de surveillance. En entrant Karim trouva Stéphane assis derrière elle. Sans lever la tête de son ordinateur, Stéphane lui adressa un bonjour machinal. Karim répondit en travestissant sa voix et put s'approcher de lui sans qu'il ne lève la tête de son ordinateur. Il semblait en prise avec un dilemme insoluble comme s'il devait faire entrer des œufs dans des poules. - Je sais comment faire, moi pour mettre des carré dans des cercles - Co...Ah c'est toi ! Ça va ? - T'as l'air de te prendre la tête, je peux t'aider peut être ? - Oh, laisse tomber, des histoires de commerçant - Ok comme tu voudras Stéphane ferma l'écran de l’ordinateur et Karim dut s'écarter pour qu'un client qu'il n'avait pas vu puisse payer. Quelques minutes passèrent Karim avança jusqu'à l’îlot aux fruits pour sentir les produits de Juliette. Il savait que depuis peu tous les deux se voyaient en dehors du boulot mais à ce jour rien n'était officiel. Si Noé doutait de la valeur de cette relation, Karim ne voulait pas ostraciser son ami, même si sa relation ne durait que deux semaines. Quand le deuxième client fut parti, il revint avec une botte de carottes et interrompit Stéphane avant qu'il ne se replonge dans ses comptes. - Qu'est ce que tu fais samedi soir ? - Pour la fête de la musique ? Rien, faut que je me lève tôt j'ai des trucs à régler - Un dimanche ? Arrête ! Viens donc avec Sarah et moi, on a des places pour le show place d'Armes. Je connais le DJ qui jouera en deuxième partie de soirée. - Non, non, c'est sympa mais j'ai pas le temps - Tu pourrais amener Juliette aussi Stéphane attendit une seconde de trop pour répondre. Karim le connaissait si bien qu'il comprit dans cette hésitation que quelque chose ne tournait pas rond. Et pas simplement, les carrés, les cercles, les poules et leurs œufs. Ce fut Stéphane qui creva l'abcès. - Tu crois au Destin K ? Tu crois que quoi que soit notre volonté, notre libre arbitre, nos choix, nous sommes destinés à quelque chose et que rien ne peut nous en sortir ?
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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