Stéphanerallumasonportableunefoisqu'ileutbaissélerideauet verrouillélaporte.Dehorsladouceurdumoisdejuins'éteignait doucement.Lesoleilderrièreluiétaitrougefeu.Ilregardases messages,vitqu'ilavaitratéunesessionauJardinsdesPlanteset notadeuxpersonnesàrappelerdemain.Ilétait20h15.Ilpassa rapidementchezlui,rassembladequoisebrosserlesdentsetdes sous vêtements propres puis prit la route de La Roche Posay. IlarrivaàlafermedeJulietteuneheureàpeineaprèsavoirquitté Saint Eloi. Safourgonnettegarée,ilchargealessaladesquiluiétaientdestinés etfitletourdurestedesétales.Ilpritdeuxbottesdecarotteset unsacdepommesdeterrepuiss'avançaàpasdeloupverslebâtiment principal.LafermeétaitenLetonyaccédaitparlepluspetitpan deceL.Ainsi,ilétaitfacilepourJuliettedevendresesfruitset légumessansquel'ondevinel'étenduedesapropriété ;commeil étaitfacilepourceuxquisouhaitaientlasurprendred'yarriver. Stéphanefermasavoitureetlongealagrangeréaffectéeenpointde ventepuislesétablesdevenueslaboratoiredeconditionnementet basculaàl'intérieurducorpsdeferme.Là,lalumièremourantedu jouravaitpratiquementlaissélaplaceauxténèbresdelanuit.Ily faisaitpresquefraisetStéphaneserappelaitplusqu'ilnelevoyait lepoulaillerquifinissaitlecarrédelacouraunordest.Il entenditquelquespoulescaqueteretprituneprofondeinspirationen sebaissantsouslafenêtreéclairéedusalondeJuliette.Delà,il lavitparticulièrementassidue.Sessourcilsétaientfroncésetses dreadlocksretenuessursanuquebringuebalaientdedroiteetde gauchealorsqu'ilnepouvaitsavoirquelprogrammeentraînaitla désapprobationdeJuliette.Toujoursestilqu'ildevaits'agird'un sujetquiluitenaitparticulièrementàcœur,bloquéequ'elleétait, labouteilledejusd'orangeàlamainetleverredevantelle toujoursvide.Ilfinitdelongerlemurquil'amenaitàlaporte d'entrée et paria sur un sujet consacré aux bienfaits des pesticides.Iln'eutpasbesoindesortirsescléspourouvrirlaporteetréussit ànepasattirersonattention.Unefoisàl'intérieur,ilposason sweatsurleportemanteau,déchaussasesJordanetremerciala fraîcheurducarrelageenposantsespiedsdessus.Asadroite,la lumièrebrillaitdanslacuisineoùémanaituneodeurdesoupeaux poireaux.Ilcontinua,suivantlebruitdelatélévisionetenfin sautalittéralementpardessuslecanapépouratterriràcôtédes dreadlocks toujours désapprobatrices de Juliette. Ellenesursautamêmepasmaiseutletempsdeluiordonnerlesilence via un puissant « chut ! ».Déçu,etobéissant,Stéphaneessayaalorsdecomprendredequoiil retournait.Lesimagesaériennesmontraientunecentralenucléaireen trèsmauvaiseétatavecdesfissuressurunedestoursde refroidissementaccompagnésd'incrustationsurl'âgedelacentraleet lecoûtqu'ellegénérait.Ilnecompritqu'unefoislereportage terminéqu'ilnes'agissaitpasdel'Ukrainemaisdel'estdela France.Fessenheim.Etellen'étaitpasprêtedefermer.Le présentateurconcluaitparunequestionsurlaviabilitédecette usineetsurlesenjeuxéconomiquesprésentsdanssonmaintienausein duparcnucléairefrançaisavantd’enchaînersurlesrésultats sportifs.Bienplusintéresséparledébutdel'Euro,Stéphanedutse contenter d'un écran noir et des pupilles vert serpent de Juliette.- Ces connards ne parlent même pas du risque tu te rend compte ?- Ouais-Toutcequ'ilstrouventàdirec'estquelleestlameilleure solution économique.- Hum-Ilsn'ontqueçaàlabouche,laplanètecrèveettoutcequicompte c'est le profit- C'est dégueulasse- Arrête, t'en as rien à foutre.Ilsmangèrentlasoupedepoireauxetlatourteaupouletdansle silence,Juliettesemblantruminerencorelepérilnucléairesans doute.Stéphanequivenaitdesefarciruneheurederoutepourla voirdevintluiaussimaussade.Ilavaitdescomptesàfaire.La supérette,aprèsunbondépart,marquaitunpeulepasentermede clientèleetiln'avaitpasprisletempsdesavoirsicelapouvaitse révéleralarmant.Ilsoupiraungrandcoupenallantlaverson assiette.Ilferaitmieuxderentrer,peutêtre.Demainilallait avoir,enplusdelamiseenrayon,l'inventairedefindemois.Une grossejournéeensomme.Derrièrelui,ilentendaitJuliettegratter lefonddesonassiette.Ilseretournaunefoisl’assiettesur l'égouttoir et regarda sa nuque blanche. -Tusais,cesonttesproduitsquipartentlemieuxchezmoi.Les gensprennentconsciencedetoutça,c'estlentmaisçaavance.Ta cause avance.- C'est déjà trop tard.- Roh allez, la fin du monde n'est pas pour demain- Qu'est ce que tu en sais ?- J'ai reçu un appel de Dieu ,demain il peut pas il a aqua poney- T'es con.- Je saisElleselevafaisantminedeluicollerunegifleetilss’enlacèrent surl'évierenfaïence.LejeandeStéphanefinittrempé,quelques minutesaprès.AlorsqueJulietteremontaitsaculotte,elleajouta, commeunaveu,quecertainssoirs,elleavaitenviedetoutfaire sauter.Ilneluiditpasquesesproduitspartaientmieuxparcequ'il les vendaient à perte.