Le colonel regardait en souriant son plus proche collaborateur parcourir l'espace qui séparait leur deux bureaux avec toute l'intensité des avocats dans les coursives d'un palais de justice avant l'annonce d'un verdict. C'était aussi épatant. Une sorte d'adrénaline émanait des paroles qu'il captait plus qu'il ne les comprenait. Il était question de vérification. De mesures. De contre mesures. De certificats d'authenticité. Et de tout un tas de choses qu'il n'avait pas à connaître. Il fallait dire que rester assis comme il le faisait depuis ce matin sous la pénombre chaude des stores vénitiens de son bureau ne facilitait pas la concentration en cette fin d'après midi. La climatisation en panne avait fait grimper la température au delà des trente degrés. A cause des immenses baies vitrées qui composaient la façade de leur office. Et de la guerre d'usure qu'ils menaient. Depuis quarante huit heures ils avaient remué toutes les agences de renseignement d'occident. Et même les russes. Pour rien. Nassim El Jawad était un fantôme. Les russes avaient même ri. Ce qui était bon signe. L'impasse poitevine intervenue avec la mort de son hôtesse ne les avaient pas rebuté. Au contraire. Il y avait quelque chose bas. Dans cette petite préfecture bourgeoise. Quelque chose de sale. De sale et méchant. Suffisamment pour que les clichés que le Mossad leur avait fourni aillent dans ce sens. El Jawad existait. Il ressemblait à ce qu'en avait vu le type qui s'était fait planté en son nom. Et il remuait la merde. La question qu'il s'échinait à trouver depuis deux jours était de savoir quelle merde. Et produite par qui ? Ils commençaient juste à avoir des éléments de réponse. Le type incarcéré suite à la fusillade n'avait pas dit un mot. Mais son parcours les avaient éclairés. Drôlement. C'était un camé qui faisait passer de la dope pour un trafiquant local. Un dénommé Bob le Tox. Et aussi un DJ qui se produisaient depuis plusieurs mois en Turquie. Du côté de Bodrum . Limite orientale de la face occidental de la première puissance musulmane d'Europe. De ce côté rien à signaler. Tout était en règle. Tout était parfaitement en règle. Ce qui prouvait qu'il y avait quelque chose que l'on ne voulait pas montrer bas. C'était si proche de la Syrie. Du feu. Du sang. Et des bouchers. Il bascula dans son siège et vit que le capitaine Jammet avait fini de noircir le bureau. Ses nike ne couinaient plus. Et il ne disait plus rien. Il lâcha un « attends » puis mit son correspondant en attente. Il se tourna alors vers le colonel. - C'est confirmé - Ok. Raccrochez. Le capitaine s’exécuta et vint s’asseoir dans le fauteuil face au bureau du colonel. Ses yeux brillaient. De fatigue. De chaleur. D'excitation. Cette confirmation voulait dire qu'ils avaient un mobile. Une raison. Le Boucher était en France parce que l'on exfiltrait des rebelles vers notre pays. Via Bodrum. Et la petite entreprise d'import export de Bob le Tox' et Hakim Allaoui. Quoi de mieux que nulle part pour être tranquille ? Quoi de mieux que nulle part pour passer inaperçu ? Rien. Rien de rien. Il commençait à se demander s'il faisait aussi chaud à Poitiers qu'à Paris en ce moment lorsque son fixe s'ébranla. - Durieux. - Bonsoir mon..euh Colonel. Ici Jean Favreau. Le commissaire Jean Favreau, On s'est eu au tel.. - Je me souviens de vous commissaire. Que me vaut votre appel ? - C'est la merde ici, colonel - Et qu'est ce que vous voulez que j'y fasse commissaire. Les méchants vous font peur ? - Ah ok... Bon. Écoutez, je vous appelle parce qu'il y a un sale enculé qui est en train de décimer la fine fleur du crime poitevin et j'ai dans l'idée que ce type s'appelle El Jawad. Que vous le connaissez. Que vous le connaissez très bien. Alors mon colonel, voilà ce que je pense... je pense que c'est un de vos confrères syrien qui est en train de faire le ménage sur mes terres et si vous ne voulez pas que ça sorte dans les colonnes de la presse comme la légèreté de votre ton à ce sujet, vous feriez bien de prendre ce que je vous dis au sérieux. Colonel. Jean Durieux et André Jammet furent autant amusé que surpris de la hargne du commissaire. Et ils comprirent aussitôt qu'ils avaient un allié bas. Une véritable allié. Qui se démenait dans la merde du quotidien sans allumette pour foutre le feu au pétrole de sa torche. Il était temps de l'aider. - Du calme commissaire. En effet El Jawad est un membre des services de renseignements syriens. Un fidèle parmi les fidèles. Sa famille est baasiste depuis si longtemps que ça se perd. - Ok, ok, le lien. - J'y viens commissaire. - Perdez pas de temps. Des types crèvent ici, je vous le rappelle. - Et des flics y participent, - Des flics ? Qu'est ce que vous racontez ? - La stricte vérité  commissaire. alors écoutez moi bien. Je veux un topo sur tous les agents de vos commissariats demain à 8h45, Gare de Poitiers Centre. - OK. Je serais là. Avec le topo sur mes hommes. - J'y compte bien.
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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