Les clichés défilaient sur l'écran d'ordinateur du commissaire Favreau comme autant de preuves de la folie des hommes. Un bras. Une tronc. Une jambe. Des couilles. Un sexe. Un visage. Celui du Gustave Faucher. Ils l'avaient retrouvé bien empaqueté dans les sous bois de la forêt de Moulières. Ou plus exactement un golden retriever avait uriné dessus avant que son maître ne rende tripes et boyaux sur la bâche en plastique bleue entrouverte. Les inspecteurs de la section criminelle avait conclu à un meurtre. Et le légiste avait réussi à identifier le corps à partir de ses dents. Le reste n'étant pas présentable. Pour lui, le crime remontait à moins de quarante huit heures tout comme le corps , d'après son degré de putréfaction, il était dans les sous bois depuis moins de 36 heures. Ils avaient donc beaucoup de retard. Le type qui avait fait ça pouvait avoir changé de continent à l'heure qu'il est. Le commissaire Favreau n'avait jamais vu ça. A vrai dire, depuis quelques jours, toute sa vie lui semblait une expérience nouvelle. Et terrifiante. Il ferma le diaporama et sortit sa clope électronique de la poche de son blouson. Une bouffée plus avant et il regardait par la vitre de son bureau. La salle des inspecteurs s'étalait devant lui. Il n'y avait pas encore grand monde à cette heure. Coulon et Bernardini. Farchot et Bouabdela. Et dans le fond Wisniewski qui arrivait, mal rasé et la clope au bec, sans doute tout juste sorti d'un sous marin quelque part sur une aire d'autoroute. Les passeurs ne connaissaient pas de répit. Et eux non plus. Une seule chose semblait les relier, Favreau compris. La fatigue. L'épuisement. Et l'impression de ne servir à rien, tant la connerie du monde semblait inextinguible. Favreau traîna sa lassitude jusqu'à son bureau et prit son téléphone. Il lança l'appel à Robert Longeron avant de se raviser. Il devait cuver. Ou s'il était malin attendre son avion. Quand Favreau s'était rendu avec son listing et les antécédents de tous les flics de Poitiers à la gare de Poitiers, les deux bidasses n'avaient pas la même tête. Ils étaient conquérants. Cela l'avait fatigué un peu plus. Il aurait aimé que cela le mette en pétard ou réveille sa fierté, mais non. Il avait juste envie d'aller boire un café place du Marché et attendre que l'étal du poissonnier ouvre pour se payer une douzaine d’huîtres. Rien de tout cela lui fut possible. Il passa la journée à défendre bec et ongles chacun de ses gars. Ce fut long. Et laborieux. Quelque fois limite. Mais jamais une affaire de racket à la petite semaine ne les mena à l'explosion de la fête de la Musique. Les deux hommes le quittèrent comme ils étaient venus. Sans laisser de trace. Ce n'est que lorsqu'ils avaient foutu sous son nez les papiers dérobés à l'imprimerie nationale et le rapport d'interrogatoire du vigile qu'il avait accepté l'évidence. Les flics n'étaient pas plus clean que les autres. Il le savait. Il le savait déjà. Il ne voulait juste pas le croire. Maintenant, El Jawad était en train d'être digitalisé et il n'était plus dans la course. Il aurait aimé être soulagé. Et pouvoir se dire que maintenant, c'était leur affaire, aux barbouzes. Seulement sa fierté revenait sans cesse lui dire qu'il avait une conscience. Et sa conscience lui dire qu'il devait trouver la taupe. Il retourna à son bureau en tirant sur sa clope . Une fois assis, sa batterie rendit l'âme. Il la brancha et ouvrit les dossiers. Putain. Il avait besoin d'une clope. Il leva la tête de son listing et des horaires de services et vit que Wisniewski avait allumé la sienne. Il se leva pour aller lui en piquer une. De toute façon personne ne lui dirait rien. Quand il ouvrit la porte de son bureau les gars ne tournèrent même pas la tête vers lui. Bouabdella discutaient d'une planque avec Farchot et jouait avec son stylo. Lui tenait bon. Pas une clope depuis six mois. Bernardini lui fit un signe de tête lorsqu'il passa à côté de lui et revint à ce que Coulon lui demandait de lire. Une affaire de cambriolage aux Trois Cités si ses souvenirs étaient bons. Quant à Wisniewski, il sursauta carrément en le voyant devant lui. - Putain Commissaire ! - Désolé Bertand. Vous avez une clope à me filer ? - Ah non, une promesse est une promesse , chef. Le commissaire devait avoir la tête d'un chien battu car son inspecteur éclata de rire. Il allait le supplier lorsqu'il tomba sur son travail. Des clichés posés sur son clavier montraient des putes et un Trafic pris au téléobjectif . Le grain était gros et les images ne permettaient pas de reconnaître des visages . La longueur des jupes et la couleur des jambes des femmes suffisaient. Il se focalisa un instant sur le décor et reconnut le boulevard de la Gare. - Je croyais que tu étais en plaque sur la 10 - En effet, mais une chose en amenant une autre, je me suis retrouvé en plein centre ville, chef. - Comment ? - En suivant des collègues. - En renfort ? - Pas vraiment, commissaire. - Merde. - Comme vous dites. - File moi le numéro de plaques. - A vos ordres. Chef ? - Quoi ? - Vous êtes sur que ça va ? - Oui. Pourquoi ? - Parce que vous êtes en train de finir ma clope. - Je t'expliquerai. - C'est ça... Faites gaffe chef, on commence par une clope mais après ce sera quoi ? Favreau ignora la plaisanterie de son inspecteur et retourna fissa dans son bureau. Il ferma la porte et commença à farfouiller dans le dossier que lui avait confié Coulon et Bernardini. Il compara les clichés. Leur qualité était inégale mais il n'y avait pas l'ombre d'un doute. Elles appartenaient à la même personne. Prise dans deux lieux différents. Dont l'un pouvait le sauver. Il passa les rapports d'enquête jusqu'à tomber sur ce qu'il cherchait. Sans attendre il prit son portable en écrasant la clope de Wisniewski où il pouvait. - Colonel - Commissaire - J'ai une piste. - Parfait. Dites moi ? - Bob le Tox'. - Qui c'est ça ?. - Notre parrain local. Un type mauvais et dégueulasse. Je crois qu'il fait partir des filles vers le pays de votre type - Voila qui est intéressant. Où je le trouve ? - Je vous en voie l'adresse par texto. - Parfait. Merci. - Une dernière chose. N'y allez pas tout seul. Il est à cran en ce moment. - Vous inquiétez pas commissaire. J'envoie la cavalerie.
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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