Mourad n'était pas rassuré. Il écrasa son joint et enfonça un peu plus ses écouteurs dans ses oreilles. Cela n'atténua en rien le vacarme des baffles gigantesques de la scène. Il en était à la droite. Tout près de l'escalier qu'il allait devoir franchir. Les nouvelles n'avaient pas été bonnes. Pas du tout. Le type à qui il avait échappé ressemblait au croque mitaine. Le patron en personne lui avait dit qu'il ne devait pas se louper. Et quand le patron te dit ça, ça veut dire que lui ne te loupera pas. Il commença à se rouler un autre joint. En face de lui, des quidams se prenaient pour des gens importants en grimpant les marches de la scène. Sourire aux lèvres il allaient goûter à la célébrité. Il enleva ses écouteurs en allumant son joint. La beuh ne le calmait jamais. Elle le tenait éveillé. Et loin de l'endormir, elle le stressait. C'était comme ça qu'il tenait. Avec une tachycardie prononcée et l'impression de mort imminente. Quand il eut fini le joint, et vu passer les roadies avec les derniers sacs, il attendit qu'un grand black et sa pétasse finissent de se la péter et prit leur place dans l'escalier. Selon leur indic, Juliette devait être là. Il tâta ses lombaires, reconnut la crosse de son neuf millimètres, s'essuya la bouche et releva ses ray ban. Il était temps d'agir. C'était bizarre. Autour de lui de grandes bâches noires ou blanches enveloppaient la scène et le tenait à l'écart des décibels. Quand il arriva en haut, il poussa une bâche blanche et tomba dans la loge des artistes. Ils ne le remarquèrent pas. Il eut le temps de voir qu'ils s'enfilaient rhum et blanche comme on bouffe du nutella. La bâche repoussée il s'engagea dans ce qui formait un couloir, il sortit son arme lorsqu'il commença à entendre des voix. Il reconnut celle de Juliette et celle d'un homme qui lui était familière. C'est qu'il eut sa première impression de déjà vu de la soirée. Ses bâches, ce vacarme, ses voix, sa mission. Il l'avait déjà vécu. Oui. Il était déjà venu ici. Il posa son index et son majeur droit sur son poignet gauche et compta les pulsations. 134. C'était trop. Beaucoup trop. Il poussa la tenture et quand Juliette le vit elle s'arrêta net. De bouger. De parler. Son regard était fixé sur lui. Il sortit son arme et appuya sur la détente. Rien ne se passa. Merde , le cran de sûreté. Le temps qu'il déverrouille son flingue, il avait un canon de AK47 entre les deux yeux. C'est pas ce que vous croyez. Comme le rebeu qui le braquait prenait sa décision, Juliette disparut. Il frappa le canon de l'arme qui le menaçait. Elle vint se coller contre son ventre. Cela lui permit d’ouvrir le feu le premier. Sans chercher quoi que ce soit d'autre qu'un bain de sang, il vida son chargeur. Le bruit lui vrilla les tympans. Le résultat ne fut pas celui escompté pourtant. Ce furent ses jambes qui lâchèrent. Le rebeu eut l'air d'un géant. L'espace de deux secondes. Avant qu'une flopée de flics en tenue ou en civils ne viennent le désarmer et plaquer le type qui venait de le tuer face contre terre. Il sentit que son cœur accélérait. Ce devait être son record. Ou pas loin. Ses tempes ne bourdonnaient pas pour autant. Quand il baissa la main sur ses couilles, il sentit qu'il se vidait de son sang. Les baffles avaient été coupées comme pour l'apaiser. C'était les cris de la foule qui lui vrillaient la tête maintenant. Il ne partirait pas en paix. Dans un coin, il reconnut Juliette, protégée par trois type propres sur eux. Il reconnut aussi Favreau. Le type qui l'avait serré en premier. C'était quand déjà ? Y'a huit ans. Ou peut être plus. Il passa devant lui et il reconnut sa voix dans les baffles. La foule sembla se calmer. Juliette le regarda comme ils l'enjambaient tous les quatre. Elle n'était pas rassurée. Non. Ses deux yeux étaient de la terreur pure. Le type qui avait placé une plaque pare balle sur sa tête le regarda aussi. Mourad remonta sa main gauche de ses couilles et plaça son index et son majeur sur son poignet droit. 70. Tout tournait maintenant aux alentours. 55. Les flics plaquaient les musiciens contre le sol. 42. Un homme plaquait un masque à oxygène sur son visage. 31. Il inspira un grand coup à plusieurs reprises. Et se mit à rire. C'était si bon. Il recommença. 28. Au moins il partirait heureux.
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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