Chaquemarchequ'ilgravissaitarrachaitunegrimacededouleuràNoé. Ilavaitcruavoirmoinsmalletempsdeprendrel'ascenseurdesa résidence.Ilavaitensuitemarchésanssacannejusqu'àsavoiture, ausoussol.Lavieétaitbelleetlemédecinavaiteuraison.Cela faisaitunesemaineetilmarchait.Miracledelachirurgieduvingt etunièmesiècle.Conduirefutunplaisir.Saufdansdeuxoutrois viragesaumomentdelaisserlaN10etderejoindreSaintGeorgesles Baillargeaux.Çaavaitpiqué,là.Dusommetdesacolonnejusqu'àson coccyx.Etcen'étaitrienparrapportàladizainedemarchesqu'il étaitentraindegravirpoursonnerchezlapetitefilledefeu RaymondeGourdeau.Letoubibétaitunbelenfoiréetiln'aurait jamaisdûluidirequ’ilsesentaitprêtàreprendreleboulotsous huitaine,neprolongeantpassonarrêtdetravail.Arrivéenhaut,la chaleur,l'effort,ladouleuretlacolèreavaientfinidetrempersa chemiseetilfrappasansménagementlaporte.Commepoursevenger. Elles'ouvritdansl'instant.L'odeurquiémanasentaitlevieuxetle renfermé.Uneodeurtenacedenourrituretropcuite,deschouxpeut-être,coupapresquesarespiration.CarolePoirotnéeGourdeauétait unefemmeàlatrentainebienentaméequis'excusapourlebruitet l’odeur.Sesdeuxenfantschahutaientdanslejardinetelleavait voulufairedupetitsaléàmidimaistoutavaitfinidanslegaz. Ellel'invitaàentreretNoélasuivitdanslecouloiroùl'airqui s'yengouffraitétaitbienplusfraisquesurleperron.Iltrotta difficilementderrièreCarolePoirotquimarchaitentongs,un pantacourtnedévoilantriend'uneplastiquequisemblaitentretenue. Quandilsarrivèrentdansleséjour,lescrisdesgossesseturentet ilvitdeuxvisagesidentiquessetournerversluidepuislapiscine enplastiquesituéedansleprolongement,delatableàmanger,dela baievitréegrandeouverte,delaterrasseauxdallesblancheset d'unepelousecoupéecommeilsedevait.Leurmèreleurditde continueràjoueretellepritlesoind'avancerunechaisepourNoé quis'yaffaissaaussitôt.Ladouleursedissipapresque.Lesoleil aussi.Ilfaisaitbon.Etl'odeurdechousemblaitdisparaître.Noé repritsonsouffle.IlregardaCarolePoirotveniravecduthéglacé maisonetdeuxverresdepuislacuisinesituéederrièreunbar américain.L'intérieurdelapièceétaitagencéavecgoût,oscillant entrelecrème,legrisbétonetl'anthraciteavecquelquestouches d'unrougesombreparendroit.Celadonnaitàl'ensembleunélande modernitéquijuraitaveccequeNoés'attendaitàtrouver.Quand Carolevints’asseoirfaceàlui,illutuneprofondecompassiondans sesyeuxetquelquechosequihésitaitàsortir.Ildécidadela mettre à l'aise en crevant l'abcès.- Vous avez raison. Je suis pâle.Ellehésitaencoreunefractiondeseconde,neconnaissantpas suffisammentNoépoursavoirsiellepouvaitriredelui.Maisdevant safigureetlesgouttesquiperlaienttoujourssursonfront,elle lui sourit aimablement et engagea la conversation.- On le serait à moins. Vous êtes sous opiacés je suppose.- Non. Juste du paracétamol et le trada ou tramadol.- Tramadol. Dites donc, je comprends pourquoi vous dégustez.- Vous êtes infirmière ?- Oui. Depuis bientôt 13 ans.- A la Milétrie ?-Non.J'aicommencéàl'hopitaldeChâtelleraultetjesuisdansun cabinet libéral depuis 2 ans- Ah Ok. En tout cas vous avez raison. J'ai mal.-Vousdevriezretournervoirlechirurgien.Jesuissûrqu'ilvous prescrira quelque chose de plus costaud.- Ça m'étonnerait, question de foie.- Vous voulez dire que votre religion vous interdit de... ?-Non,non.Monfoie.Ilaétéabîméettantqu'ilneserapas régénéré, ils ne veulent pas le solliciter davantage que de raison.-Oh.Jenesavaispasque...Enfindanslejournauxilsontditque vous n'aviez pas été gravement blessé...- Il ne faut pas croire tout ce que raconte les journaux...Ilsburentenmêmetempsunegorgéedethéglacé.C'étaitfrais. C'étaitsucré.C'étaitbon.Ilsrestèrentquelquesinstantsplongés dansunsilencegêné.CarolePoirotfaisaittournersonverreavecsa maingauche.Desmainspropresauxonglesras.Sonregardétaitdehors verssesenfants.Unesérénitémêlédedétachementémanaitdesa posture.Commesielleensavaitunrayonsurlanaturehumaine.Sur ses souffrances. Et ses vices. - Je vous remercie d'avoir répondu à mon appel Mme Poirot.-Jevousenprie.Jevousdevaisdesexcuses.Ladernièrefoisque l'on s'est parlé, je n'ai pas réalisé que...- C'était presque dans une autre vie.- Oui. Presque.- Je vous présente toutes mes condoléances.- Merci.EllebutuneautregorgéedethésansqueNoénelasuive.Sesyeux restèrentsurleverrecettefoisci.Elleleserraitcommes'il s'agissaitd'uneboissonchaude.Sonâmedevaitavoirfroidsans doute. Froid et mal.- En fait si je suis venu, c'est pour vous demander quelque chose.- Si je peux vous aider.- J'aurais besoin de visiter l'appartement de votre grand mère.- Pourquoi ? La police a déjà...- La police se trompe.- Ah vous croyez ?- Oui je le crois. Écoutez...-Nonjeneveuxrienentendre.Magrandmèreestmorteparcequ'elle a voulu aider quelqu'un qui ne le méritait pas. Je ne ferais pas...- Mais votre grand mère AVAIT RAISON !Iln'yavaitplusunremousdanslapiscine.Lesdeuxtêtesblondes étaienttournésversNoé,leursyeuxcommeenattentedupire.Ils étaientpleinsdepeur.CommeceuxdeCarolePoirot.Elleavaitpeur. Peurd'ouvrirlejournal.Peurd'allersoignercertainespersonnes danscertainsquartiers.Peurdetoutcequin'étaitpascommeelle. Peur de l'inconnu. Peur du monde.Peur de Noé. Luiavaitmaljusquedanssachair.D'avoirfrappédesamaindroite surlatablepoursoulignersonproposcommençaitàlefaire chanceler.Touttournaitd'unseulcoup.Etlecouteauentraitet sortaitànouveaudanssonflanc.Ilserradesdentsetacceptala maindeCarolequivintlesouteniralorsqu'ilallaittomberdela chaise. Son pansement était en sang.- Je vais vous changer ça.- Merci.Lesgaminsétaientsortisdelapiscineetattendaientdefinirde séchersurlaterrasse,leurattentionentièrementaccaparéeparle grandbonhommenoirquiserraitdesdentssifortqu'ilspouvaient presquelesentendregrincer.Ilsnedisaientrien.Lesgrillonsnon plus . Tout était calme d'un seul coup.CarolePoirotrevintetl'accompagnasurledivandeleursalon.Il s'y allongea avec difficulté et elle commença à défaire le pansement.-JenesaispascequevouscherchezM.Ouedraougo,maisvousne devez pas oublier de prendre soin de vous.- C'est pour ça que je cherche. Pour prendre soin de moi et des miens.Elleleregardatoutenfinissantd'appliquerdescompressespropres sursaplaie.Ilnepouvaitriensavoirquantàcequ'ellepensait. C'étaitcommeêtrefaceàunmiroirsansteint.Ilsavaitquederrière ilyavaitquelqu'unmaisilluiétaitimpossibledelevoir.Elle l'aida à se redresser et lui tendit une gélule.- Qu'est ce que c'est ?- Un antalgique. Faites le fondre sous votre langue.- C'est de la morphine.- Oui.- Je ne peux pas.- Prenez ça où j'appelle une ambulance pour vous ramener.- OK, ok. Écoutez, je m'excuse d'insister mais, je dois...- Vous ne trouverez rien d'autre que du sang et des souvenirs là bas.- Vous y êtes allé ?- C'est moi qui l'ai trouvé.- Je suis désolé.- Nous le sommes tous. - Et il n'y avait rien qui appartenait à …-ElJawad ?Jenesaispas.Lapoliceaposédesscellés.Jen'ai mêmepaspurevoirmagrandmèreavantqu'ilsnel'autopsient.Mais dites moi, pourquoi croyez vous que ma grand mère avait raison ? - Parce qu'elle avait su me convaincreCarolePoirotallaitluidemanderautrechosemaissesdeuxgarçons firentirruptiondanslesalonetl'obligèrentàsepencher.Ilslui murmurèrentquelquechoseàl'oreilleetelleacquiesçasansunmotà leurrequête.Ilspartirentalorsencourantverslacuisineavantde disparaîtresouslahauteurdubaraméricain.Surlesol,les empreintesdeleurspetitspiedss'évaporaientaussivitequ'ils avaientcouru.Noéréussitàreleversagrandcarcasseavecl'aidede sacanne.Ladouleurluisemblaitmoinsvive.Lamorphinesansdoute. Ilétaitunpeucotonneuxaussi.Ilarrivaitàsonverredethéglacé quand les gosses réapparurent avec un cornet de glace.- Vous êtes le monsieur qui a été poignardé à Poitiers ?- Les enfants !- Laissez ce n'est rien. Oui les enfants. - Pourquoi vous êtes là ?- Pour saluer votre maman et parler...de...-MéméRaymonde ?Elleestmorte.C'estunarabequil'atué.Pourquoi vous disiez qu'elle avait raison ?- Parce qu'elle a voulu aider un arabe.Lesenfantsleregardèrentcommes'ilvenaitd'uneautreplanète.Leur mèrelespoussaverslaterrasseetleurditdefaireattentionàne pasfairetomberleurglace.EllerevintensuiteversNoéquiavait déjà atteint le couloir de l'entrée.- Vous ne lâchez pas, vous.- Je m'accroche.-Alorsprenezcesclés,voyezcequevousavezàyvoiret,sije peux me permettre, tournez la page. Vous avez des enfants ?- Deux filles.- Alors faites le vite. Elles vous attendent.