Madame Gourdeau Raymonde regardait Noé avec toute la stupéfaction qu'elle avait contenue jusqu'alors. Cela faisait trois quart d'heure qu'elle lui expliquait qu'elle n'était pas sous tutelle, que personne n'avait jamais eu à gérer son argent que son médecin l'avait déclaré en parfaite santé à tel point qu'elle ne soignait aucune affection de longue durée et qu'elle comptait vivre bien après lui. Pourtant Noé tenait bon. Il ne débloquerait pas les fonds pour sa voiture. Elle était donc autant stupéfaite qu'outrée. A côté d'elle, le syrien qu'elle disait héberger, répondant au nom de Nassim El Jawad, papier de la Préfecture faisant fois, semblait timide. Trop. Noé avait eu beau en discuter avec Karine et celle ci défendre un point de vue opposé au sien, à savoir que les avoirs de la grand mère avaient certainement été bloqué par la famille peu de temps - environ une semaine après qu'elle eut pris chez elle Nassim El Jawad, lui restait persuadé du contraire. Elle lui avait expliqué que le fait qu'elle n'ait plus accès à son argent était la seule raison qui pouvait la pousser à emprunter. Il ne l'avait pas cru, et maintenant il lui semblait que la présence du syrien était encore plus prégnante du fait de son silence. Il lui souriait toujours, complètement étranger à la conversation. Noé ne doutait pas qu'il ne parlait pas un mot de français. De ce fait, il décida de clore l'entretien. - Madame Gourdeau avant que vos paroles ne dépassent votre pensée, je préfère que nous en restions là - Très bien, je vais aller voir votre supérieur alors - Allez plutôt voir une autre banque - Je ne manquerai pas de lui dire ce dernier conseil - Bonne journée - A vous aussi, collabo Ce fut au tour de Noé d'être estomaqué. Il n'était pas sûr d'avoir bien compris le dernier mot, mais ne pouvait laisser passer. Il déploya ses deux mètres et 125 kilos si haut qu'il firent de l'ombre à la petite dame et lui tendit une main qu'elle ne put que serrer le buste partant en arrière. Il la regarda quitter son bureau puis l'agence et sortir sur le parvis de la place de Provence. Le monde commençait à rassembler une foule si dense qu'il lui fut impossible de savoir s'ils s'étaient séparés ou s'ils étaient toujours ensemble et vers où elle s'était dirigée. Le marché des Couronneries battait maintenant son plein et il lui était impossible de distinguer quoi que ce soit d'autre que le capharnaüm des camelots et des acheteurs. Il se rassit à son fauteuil et regarda la photo de Nassim El Jawad que lui avait dégotté son collaborateur. Son application de courrier électronique était ouverte et l'adresse de leur contact à la répression des fraudes déjà dans les destinataires. Il n'avait que la description à mettre et il saurait en moins de vingt quatre heures qui était cet homme. Ce qui au fond ne changerait rien. Il aurait juste la preuve qu'il était en situation irrégulière, ou peut être avec le statut de réfugié politique, qu'il n'avait pas de famille et pas d'argent qu'il ne parlait pas français, pointait au relais Charbonnier pour ses soins et avait pour seule adresse celle de Raymonde Gourdeau. Qui venait de le traiter de collabo. Et qui était peut être la seule personne de cette partie du monde à réellement se soucier de son sort. Cela lui tordit le ventre. Cela lui tordit le ventre, parce qu'au fond, il eut l'impression qu'elle avait raison. Il était du côté de la machine. Celle qui fait les choses sans voir les gens. Il effaça son mail et décida que, peut être les autres l'écouterait et qu'un banquier moins rigide que lui leur donnerait le coup de main dont ils avaient besoin. Il allait commencer sa journée lorsque le téléphone l'interrompit. C'était Karim. - Salut - Salut Noé Je te dérange ? - Non, pas encore - Mais dis donc tu te relâches, 9h30 et t'as pas encore commencé ta journée - Je vieillis tu vois - C'est ça. Bon je t'appelles juste pour te proposer de venir à la fête de la musique, j'ai un pote qui y joue. On aura un accès VIP. Ça te dit ? - C'est qui ? - Le pote à qui j'ai ouvert l'arcade - Eh ben il est pas rancunier - On se connaissait en fait. - J'avais cru comprendre - Tu viens alors ? - Attends j'ai un double appel. Oui Noé Ouedraougo - Monsieur Ouedraougo ? Je suis Claire Gourdeau, la petite fille de Raymonde Gourdeau.
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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