« C'est du bon boulot commissaire. Du très bon. On va faire le max pour le finir ». Le commissaire Jean Favreau ne prit même pas la peine de les regarder. A vrai dire c'était bien suffisant que de les entendre. Il y avait quelque chose de résolument optimiste dans leur voix. Quelque chose qui semblait plus grand qu'eux. Une Cause. Et ils en étaient les Croisés. Il avait beau se dire que c'était sans doute leur passé militaire ou la rigueur de la gendarmerie mais ça ne collait pas. Pas assez. C'est deux hommes étaient en mission. Comme lui ne saurait jamais y être. Parce qu'il ne le pouvait pas. Parce qu'il n'en voyait pas le sens. Il renifla et regarda par la fenêtre de son bureau. Les deux agents de la SAT allumaient leur cigarette comme il éteignait son ordi. La cigarette électronique qu'il serrait depuis maintenant six mois presque jour et nuit lui parut d'un seul coup peu de chose. Tout comme lui. Il était peu de choses face à ses deux types. Il allait leur demander ce que voulait dire, finir le boulot quand le plus jeune des deux se leva en prenant un appel. Il s'éloigna et le commissaire ne comprit pas grand chose à ce qu'il disait. Juste qu'ils avaient une unité qui avait terminé un boulot. Sans doute Bob le Tox venait il de passer de l'Autre Côté. Bon Dieu, la ville qu'il surveillait venait de changer de tête de serpent. Le lieutenant revint vers eux et glissa à l'oreille de son supérieur que c'était bon. Andrieux se leva alors et tendit sa main par dessus le bureau. Jammet prenait déjà un nouvel appel. « Heureux d'avoir pu compter sur vous, commissaire. Si jamais votre gus refait surface... ». Il ne prit pas la peine de finir sa phrase. Et Favreau ne lui fit pas le plaisir de le faire pour lui. Il les regarda s'éloigner et alla à la fenêtre pour les voir partir avec leur carrosse vers la gare. Il aurait tué pour un vrai clope. Une Lucky Strike. Normal. Qu'il aurait sorti d'un paquet souple d'une simple pichenette. Comme il l'avait fait pendant 15 années, 2 mois et treize jours. Elle lui aurait donné un sale goût dans la bouche, comme à chaque fois qu'il avait repris . Puis la culpabilité et le flot de nicotine et de toxiques lui aurait fait tourné la tête. Et enfin le plaisir et la quiétude aurait pris possession de lui. L'espace de quelques micro secondes. L'espace d'un instant. Jusqu'au suivant. Et cela aurait été bon. Au lieu de ça il tira sur sa vapot'. Bien fort et bien longtemps. Un épais nuage de vapeur plus grand et dense que tout ce qu'il ne pouvait espérer d'une simple blonde vint masquer la rue en bas. Il regarda sa montre. 21h 17. Il tira une autre fois sur son engin et attendit que la vapeur se dissipe. Les voitures revinrent passer à ses pieds. Flots de loupiotes blanches et rouges emmenant les gens chez eux ou ailleurs. Ce soir aussi de gens naîtraient et d'autres s'éteindraient. C'était la vie. C'était comme ça. Et il avait de plus en plus l'impression qu'il ne pourrait jamais empêcher qui que ce soit de mourir. Ni même de rendre justice à ceux qui étaient partis. Comme Raymonde Gourdeau. Partie trop vite. Partie trop tôt. Ou Gustave Faucher. Tué par ceux qui le nourrissaient. Était ce justice ? Il devrait s'en contenter. Après tout il n'était qu'un petit fonctionnaire. Surmené et sous payé. Ce devait être ça qu'ils voulaient dire par finir le boulot. Eux n'allaient pas se contenter de ce résultat. Il tira un peu plus sur sa clope et se dit que ça, au moins pour une fois, il devait le tenter. Il lança un appel depuis son smartphone. Noé Ouedraougo. Ce grand coriace naviguait en eau trouble contre son gré depuis trop longtemps. Il avait s'approcher de trop près de gens peu fréquentables. Andrieux lui avait dit qu'ils avaient vu Bob le Tox' discuter avec des petites frappes après qu'ils l'aient coursé. C'était un point de départ. Un truc d'école de police presque. Interroger le voisinage. Il tomba sur sa messagerie directement. « Bonsoir Noé, C'est le commissaire Favreau. Il faut que l'on reparle de votre dernière sortie. Appelez moi dès que vous avez ce message. Merci. » Au moment il raccrochait, il crut qu'on défonçait sa porte de bureau avec un bélier. Instinctivement, il braqua son arme vers la porte. - Du calme, du calme commissaire, c'est encore nous. - Putain, frapper avant d'entrer ne veut pas dire faire sortir un porte de ses gonds. - Ok. On s'excusera plus tard. Un de vos cousins nous a contacté. Celui qui a vu le Boucher. - Ouedraougo ? - Si vous voulez. Un de ses potes l'a logé. - Nom de Dieu. - Oui. En piste Commissaire.
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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