Karim avait la lèvre inférieure qui avait doublée de volume depuis qu'il avait quitté la place d'Armes manu militari. Les menottes ne lui avaient été enlevées que peu de temps avant que le premier interrogatoire qu'il avait subi ne soit terminé, soit il y a moins d'une heure. Toujours assis sur la même chaise en fer fixée dans le sol, il avait mal partout. La violence de son interpellation avait été équivalente à la vitesse de son exécution. Il ne se souvenait de pratiquement rien de son transfert et encore moins des conséquences de ce qu'il avait empêché. Il le leur avait dit. Et même redit. Il avait soif aussi. Et se demandait si Sarah était toujours en vie ou s'ils avaient réussi, Hakim et ses complices à exécuter tout ceux qui étaient venu les écouter. Il ne pouvait pas le croire. C'était impossible. Tout avait bien se finir. Tout s'était bien fini. Tout se finit toujours bien. Seul dans la pièce plus blanche que le paradis, assis face à une table en inox dépoli ses mains boursouflées tentaient de ne pas le faire souffrir, il se rappela une prière. Il la récita comme on conte un belle histoire à son enfant avant qu'il ne s'endorme. Son pouls ralentit, ses muscles se relâchèrent. Sa respiration lui fut accessible. Inspirer. Expirer. Et avec cela les côtes flottantes ressurgirent, piquantes comme des lames, ses chevilles revinrent aussi à lui, meurtries, et cet air, brûlant comme l'acide, qui entrait et sortait de son corps lui fit se demander à quel prix Poitiers avait pu rester intact. Puis il se souvint que les villes ne meurent pas. Seuls les hommes connaissent ce sort. Avant qu'il ne se demande combien étaient maintenant de l'autre côté , la porte s'ouvrit derrière lui. Il tourna instinctivement la tête vers le miroir qui recouvrait les deux tiers du mur à sa droite. Cela recommençait. - On reprend, mon gars. Il ne connaissait pas le policier qui s'asseyait en face de lui. A peine 30 ans, les cheveux déjà poivre et sel complètement ébouriffé, une barbe négligée, un jean marine et un polo rose ne cherchant pas à cacher l'arme qu'il portait au flanc droit. Il semblait encore plus impatient que celui qui était venu pour les trois premiers interrogatoires. Il portait des Jordan 10 LA Nights. Sans trop savoir pourquoi, Karim se dit que c'était bon signe. Avant même qu'il ne lui demande il déclina son identité. - OK, je me suis pas trompé de pièce. Raconte. - Tout ? - A ton avis ? Alors Karim lui redit la rencontre du Jardin des Plantes, le repas, l'invitation au concert, la scène, la chaleur, le cannabis, les sacs en vrac et puis le message de Stéphane, son retour sur scène,le type qui braquait Hakim et puis son pote inconscient par terre et les rafales de balles et enfin la baffle sur la tête d'Hakim et le bruit strident de la panique. Il finit par montrer ses poignets et tendre son visage pour lui montrer comment cela s'était fini pour lui. - Tu étais seul à être venu ? - Non, j'étais avec ma compagne, Sarah Azuelo et deux amis, Stéphane Peyroux et Noé Ouedraougo qui lui était venu avec sa femme. - Les Ouedraougo, ils sont montés sur scène ? - Oui. Et ils sont descendu quand j'ai reçu le message de Stéphane. - Connais tu Juliette Baudin ? - Non. Qui est ce ? - Tu ne connais pas de Juliette ? - L'ex de Stéphane s'appelle Juliette. Mais je connais pas son nom de famille. - Tu dis ex, ils sont séparés depuis quand ? - Je sais pas. - Ne me mens pas enc... - Depuis le jour des attentats. - Y'a pas eu d’attentats. - Depuis la fête de la musique. - Tu sais pourquoi ? - Non - Qu'est ce que je t'ai dit ? - Je ne vous mens pas, c'est que... - Je sais t'es fatigué, t'as mal partout et je suis pas sympa. Réponds - Je ne sais pas. Je ne sais vraiment pas. - Bon, alors reprenons. - Reprenons quoi ? - Tout. Depuis le début. Comment tu connais Hakim Hallaoui ?
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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