Karim, les mains sur les genoux, avait du mal à reprendre son souffle. La sueur tombait sans discontinuer depuis son front baissé et son cœur n'arrivait pas à ralentir. La chaleur sans doute. Ou le manque d'exercice des dernier mois peut être. A moins que ce ne soit les deux. Il se redressa et le soleil lui explosa les rétines. Il faisait chaud et le goudron lui paraissait comme fondu sur l'avenue de l'autre côté des arbres. Ceux avaient la mauvaise idée de projeter leur ombre du mauvais côté. La couleur crème du terrain du Jardin des Plantes l'éblouissait autant que la neige. Le froid en moins. Il prit une profonde inspiration et revint en défense. Le score était serré. Une possession d'écart. Le joueur contre qui il défendait avait sensiblement le même âge que lui mais l'avait déjà crossé plus d'une fois depuis le début du match. Il avait compensé jusqu'à présent par un placement plus distant et réussi à le forcer à prendre des shoots qu'il ne savait pas rentrer. Sur cette action, il avait la même position et s'attendait à la même attitude de son adversaire. La passe qu'il fit le déstabilisa et il ne le suivit pas lorsqu'il partit en backdoor . Égalité. Ses coéquipiers du jour baissèrent la tête et le géant en forme de bâton qui jouait à l'intérieur fit la remise en jeu pendant que lui allait se placer dans un coin. Le meneur de son équipe prit la balle et dut d'entrée remonter en tournant le dos au jeu. La faute à son défenseur dont les cuisses pouvaient certainement servir de poteau. Karim feinta la coupe ligne de fond et réussit à se libérer pour recevoir la balle à 45°. Il se mit en position et feinta le tir. Le géant était maintenant sous le panier et le meneur s'écartait de Karim, lui offrant une solution à l'angle 0. Le temps qu'il lise le jeu, son défenseur avait déjà la main sur ses côtes. Depuis le début de la partie, il avait pris un malin plaisir à lui masser soigneusement chacune d'entre elles, un sourire provocateur à chaque face à face, un sourire dédaigneux à chaque panier raté. Il faisait terriblement chaud et Karim en avait plus que marre de feindre l'ignorance tout comme de ne plus sentir son cœur ralentir. Il était temps d'en finir. Il pivota son tronc et leva le ballon à gauche soit à l'opposé de son défenseur avant de revenir pour feinter la passe à l'intérieur. Son défenseur s'était tellement rapproché que son coude lui faisait littéralement une nouvelle côte. Il ramena alors ses bras pour partir sur sa droite. Le choc de son coude contre le crâne du type provoqua un son mat et fit basculer l'homme en arrière. Karim planta ses appuis alors qu'il tombait sur le cul et déclencha son shoot à trois points. 21-18. Fin de la partie. Tous les joueurs s'affaissèrent, rejoignant le défenseur de Karim contre le béton brûlant. L'homme se tenait la tête et se frottait le front, le coude de Karim avait forcé son passage. Son souffle était court et saccadé, lui aussi avait chaud, trop chaud. Ses deux coéquipiers du jour étaient déjà parti s'hydrater à l'entrée du terrain se faufilant entre les joueurs qui reprenaient leur souffle sur le premier terrain. Quand le type tourna la tête vers Karim, son regard était noir charbon et Karim ne faisait nul secret quant à son attention de ne pas envenimer la situation, ses côtes l'exigeaient. Ils se relevèrent de concert mais l'homme détourna les yeux et passa à côté de lui, le regard au sol. Une bosse se formait sur son front. Karim était presque déçu lorsqu'il sentit une main se poser sur son épaule gauche. Il serra les points et se retourna en un éclair. - Noé ! Tu m'as fait peur ! - Tu t'es fait un copain on dirait... - Demande à mes côtes. J'ai eu droit à une séance de massage en règle. - Et lui à un deuxième lobe frontal on dirait. - A la guerre comme à la guerre... Ça va sinon ? - Oui bien. On fait quelques shoots ? Karim s'avança vers son ballon parti dans l'herbe. Ne doutant pas que son ami était à ses côtés, il commençait à lui demander comment allait femme et enfants lorsqu'il l'entendit faire sa grosse voix. Il se retourna et fit face à son ami qui repoussait le type que Karim avait à moitié assommé. Karim s'avança alors vers eux, s'attendant à en découdre. Quand il vit le type lever les bras en signe d'apaisement, il desserra les poings et laissa l'adrénaline s'en aller. - Tu t'en remettras l'ami - Oh ! Ça ? Pas de problème, c'est le jeu. Par contre, on dirait que tu as la mémoire courte. - Quoi ? - Tu ne te souviens pas de moi ?
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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