Midi arrivait. Dans la cage d'escalier, Stéphane dut saluer une bonne dizaine de personnes avant d'avoir le champ libre. Il ne savait pas chercher. Il n'avait que son instinct, son sens de l'observation et sa capacité de calcul. Les deux flics n'étaient pas descendus. La lumière des caves n'était pas cassée et depuis le banc il n'aurait pas pu la manquer. C'était donc à l'un des cinq étages supérieurs que devait se trouver ce qu'ils planquaient et peut-être un début d'explication. Il ne pensait pas à Juliette. Il ne devait pas penser à elle. Question de santé mentale. Et de capacité de concentration. Il commença à gravir les escaliers tournant autour de la cage d'ascenseur. Il était en panne. Au premier palier, il recompta le temps qu'avait mis les deux ripoux. Une petite dizaine de minutes. 5 minutes pour monter. 2 minutes pour déposer. 3 minutes pour redescendre. Ce devait être au deuxième, alors. Il monta les deux volées de marches quatre à quatre. Le silence lui fit peur. Soit l'immeuble était particulièrement bien isolé, soit il n'y avait personne. Il allait atteindre le bout du couloir lorsqu'il entendit un cliquetis de serrure. Sa respiration se bloqua comme si elle pouvait révéler sa présence. Il chercha un recoin. Il n'y en avait pas. Les portes affleuraient les murs. Il n'y avait pas de réduits d'entretien. Il se tourna et vit la personne qui refermait son domicile derrière elle. L'homme, une quarantaine d'années, sec comme un marathonien, vêtu d'une tenue de sécurité des services de voiries du Grand Poitiers ne sembla pas le remarquer et fila vers la cage d'escalier. Stéphane recommença à respirer. Il n'avait pas d'arme, rien pour se défendre. Si jamais le type revenait, il devrait faire ça à l'ancienne. La sueur formait une seconde peau sur tout son épiderme comme la veilleuse durait. Il commença à avancer . Il devait vite se barrer. Sa foulée se faisait aussi féline que possible. Au milieu du couloir, le type le fixa droit dans les yeux depuis la première volée de marches. - Ils sont déjà passés vos collègues. La prochaine fois dites leur de faire moins de bruit. Le type resta quelques secondes à fixer Stéphane. Son regard portait la fatigue de ceux qui n'ont plus d'autres choix que de la fermer et de suer. Les cernes montraient qu'il faisait les trois huit. La verdeur de ses propos indiquaient qu'il venait de finir un poste de nuit. - Ok. Désolé pour le boucan. On fera gaffe la prochaine fois. - Ouais, c'est ça. Stéphane entendit les dernières paroles ironiques de l'ouvrier s'étioler comme il avait déjà commencé à descendre vers la sortie. Une fois certain qu'il était à nouveau seul dans les communs de l'immeuble, il revint sur ses pas, devant la porte du type. Numéro 219. De là, il avait entendu du « boucan ». Mais où ? Au dessus ? En dessous ? En face ? A droite ? A gauche ? Il soupira. Son geste semblant un râle dans l'absolu insonorisation du couloir. Du boucan dedans ? Ils avaient y aller. Ce qui ne pouvait dire que deux choses. Et surtout le pire. Il revint sur ses pas et redescendit d'un étage jusqu'à s'arrêter devant le n°119. - Y'a quelqu'un ? Personne ne répondit. Il tambourina et rien ne se passa. Il recula et pensa à Juliette. Son visage. Ses seins. Son cœur. Brisée. Par sa faute. Pour le pire. La porte gicla littéralement de ses gonds au premier impact. Il reprit son souffle, coupa sa respiration et apprécia pour la première fois l'absolu silence des lieux. Il ramassa la porte et constata qu'il ne pouvait maintenant que la poser. Les gonds avaient explosé sous l'impact. Il le fit tant bien que mal avant d'avancer dans l'appartement. C'était aussi facile que lors d'une visite immobilière. Pas un meuble. Pas un vêtement. Pas une quelconque trace d'un habitant. Le hall d'un petit mètre carré portait les trous des futurs portes manteaux. Une auréole marron indiquait que les chiottes étaient juste derrière et qu'ils fuyaient. Après, venait le séjour. Il y avait ce que les flics avaient apporté le jour même. Et dans la chambre, le pire. Un essaim de mouche virevolta comme il s'approchait du corps dont elle suçaient le visage. Défoncé à coup de crosse. C'était un homme. De type arabe. Méconnaissable quoi qu'il arrive. Posé sur une bâche plastique. Prêt à disparaître, en somme. Stéphane voulut s'approcher davantage et essayer de voir si jamais il pouvait savoir de qui il s'était agi mais resta figé. Ce n'était pas une bonne idée. Il revint sur ses pas et regarda les documents que les flics avaient entreposé. C'était bel et bien du papier officiel. Pour passeport et carte d'identité. En stock équivalent. Il se recula de la fenêtre pour prendre un passeport fini. Le nom ne lui disait rien. Le visage de la photo non plus. Il le reposa et regarda à nouveau la pièce vide. Qu'est ce que tout cela voulait dire ? C'était quoi le truc ? Bordel, il n'y avait rien ici qui puisse relier Juliette à quoi que ce soit. Soudain l'impression de s'être fait manipulé perfora son lobe frontal. Hedo. Un coup monté. Il s'éloigna de la fenêtre et , dans un réflexe de pure terreur se renfonça dans le coin, le mettant pile devant la porte d'entrée lorsqu'elle vola à nouveau en éclats. - POLICE ! A TERRE SALE FILS DE PUTE !
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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