Les filles de Noé étaient couchées depuis une bonne heure maintenant. Leur appartement résonnait des quelques éclats de la télévision. Karine, allongée sur le canapé regardait une film d'action. Noé, derrière elle, était assis depuis le début de la soirée sur leur table à manger sans arriver à se décider. Le dossier qui l'occupait portait sur le financement d'un prêt automobile pour une femme de 83 ans. L'état de son épargne lui permettait de l'acheter comptant mais elle avait souhaité bénéficier d'un emprunt. D'une durée de 3 ans, il lui reviendrait à une peu plus de 4% d'intérêt. Elle aurait donc 86 ans à son terme.Toutes les garanties sanitaires qui lui avaient été imposées avaient été remplies et son conseiller ne voyait aucune raison de refuser le prix à un détail près. Ce détail ne figurait sur aucun document informatique ni sur aucune note frappé par sa secrétaire. Il était griffonné façon patte de mouche sur un post it rose fluo. « Compagnon. Trente ans. Syrien. Pas un mot de français. Arnaque ? » Cela faisait donc une heure que Noé grattait le dossier complet de sa cliente. Il y cherchait des mouvements bancaires douteux. Tout ce qui pourrait ressembler à une extorsion de fonds ou à toute autre chose de frauduleux. Et tout ce qu'il avait trouvé était un mouvement pour un cabinet notarial qui précisait vaguement d'une mise à jour de document. Il pensa à son testament. Avec son appartement des Couronneries, et son épargne, celui qui en hériterait posséderait un capital frôlant les 400 000 euros. Ce qui n'était pas rien. Même s'il ne pouvait confirmer qu'il s'agissait d'une arnaque, Noé ne pouvait douter que la grand mère faisait un prêt pour garder son capital intact. Et à 83 ans c'était le genre de choses que l'on faisait parce que l'on veut léguer le labeur de toute une vie à quelqu'un. Et la présence de ce rendez vous notarial indiquait que, il y a deux mois, il y avait fort à parier que le bénéficiaire venait de changer. Noé jeta un coup d’œil à la télévision. Bruce Willis était en train de foncer sur un hélicoptère avec une voiture. Il faisait la grimace par terre mais réussissait toujours à courir comme un lapin. Karine ne regardait plus. Son souffle régulier soulevait sa petite poitrine et ses traits étaient totalement détendus. Noé se leva et lui posa un baiser sur la joue. - Tu dors - Je t'attends - Alors va te coucher, j'en ai encore pour un moment - Tu bosses sur quoi ? Maintenant relevée, ses cheveux auburn tombèrent jusqu'à la moitié de son dos avant qu'elle ne s'en empare pour les nouer en un chignon désinvolte. Elle finit de se redresser et ses yeux noisettes regardèrent par dessus l'épaule de Noé, vers la table du living. - Une arnaque selon toute vraisemblance. - Je peux t'aider ? Karine travaillait au service juridique du Rectorat de Poitiers. Elle avait un mastère en droit des administrations et avait travaillé un temps pour un cabinet d'avocats d'affaires. Mais cela remontait à si loin qu'ils ne se connaissaient pas encore. Et elle avait toujours été vague sur cette période. Noé s'était toujours dit que c'était pour le ménager, lui, le responsable grands comptes. Cependant, maintenant il ne l'était plus. Karine se leva et fit le tour du canapé puis de Noé, lui caressant le dos au passage avant de se poster devant ses notes, le dos cambré pour s'étirer les muscles et les yeux rivés sur les pièces du dossier. Elle se baissa d'un coup et porta à sa vue l'extrait de compte. - Tu devrais t'intéresser aux ayants droits de ta cliente - C'est une arnaque ? - Oui. Mais pas dans le sens que tu l'envisages.
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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