Les deux types mettaient trois plombes à ce décider. Hedo regardait ce couple de blancs tourner et retourner sa carte comme s'ils étaient face à un choix cornélien. Il n'y avait pourtant rien de bien compliqué dans son menu. Juste la même chose que ce qu'il y avait au dessus de sa tête, mais sur du papier. Il avait remarqué dès leur arrivée, pile à l'ouverture, qu'ils ne savaient pas ce qu'ils voulaient. Il avait fini par en prendre son parti jusqu'à maintenant. Ils les avaient même pris pour un couple d'homos qui avaient faire une pause avant que leur voiture de bobo, une prius sans doute, ne les emmène vers la côte Basque. Il faut dire qu'il en avaient l'allure. Sapé de jean de la tête au pied, presque indifférencié. Seules les godasses marquaient leur particularité. Et les cheveux. Poivre et sel pour santiags et blond vénitien pour nike. Après avoir lancé sa cuisine il avait essayé de parler avec eux. Des propos banals.Où il avait senti une pointe de sarcasme et de dédain à son égard. Sans doute des parisiens. Il avait depuis abandonné. Et alors que ses clients habituels se faisait attendre. Ils regardaient Hedo de plus en plus souvent. Et, quelque part, dans son cortex des voyants s'allumaient. Et si... Il consulta son portable mais rien ne lui indiquait un quelconque danger. Il s'absenta dans l'arrière boutique et constata que leur conversation avait cessé. Son restaurant était aussi silencieux qu'une tombe. Les voyants devinrent alors autre chose. Une preuve. Une preuve du danger. Du danger imminent. Immédiat. Il ferma son anti chambre et donna un tour de clés. Puis il reprit son portable et lança l'appel vers la seule personne qu'il devait avertir. Quand la tonalité laissa place à une voix, il préféra parler en arabe. - Allo ? - C'est Hidayet. - Jamais sur ce num... - Je sais, je sais. Ils sont sur mon cul. Je sais pas comment. Mais y'a deux types dans mon resto, les clients ne sont pas là. Je le sens, ils sont sur... - Mollo, mollo, Hedo. Tu te calmes et tu m'écoutes Hidayet Papadoglou ne put attendre d'écouter. Derrière lui la porte résonnait du cliquetis de la serrure. Ils arrivaient. Et ils ne s'étaient pas annoncés. Ce n'était pas bon. Pas bon du tout. C'était autre chose que la police. Quelque chose de plus dangereux. Il cala son portable dans sa paume de main moite et déplaça les caisses de pain libanais placées devant l'issue de secours du local. Derrière lui le bruit des crochets semblaient crier que sa fin était proche. Il poussa la porte d'un grand coup de pied en montant sur son stock. La lumière l'aveugla. La chaleur le trempa. Il eut la lucidité de prendre deux caisses et bloqua la porte derrière lui avant de se mettre à courir. Hors d'haleine dans les travées de Auchan Sud, il ne se rendait même pas compte qu'il hurlait en reposant son portable contre son oreille. - C'est le blanc ! Le mec de Juliette ! Il sait... La balle l'atteignit comme son correspondant tentait de le calmer. Que tout était sous contrôle. Mais quand son téléphone rendit compte de sa fin, son interlocuteur comprit que rien n'était sous contrôle, en fait. Bien au contraire.
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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