Cela venait de loin. Des profondeurs de son âme. Comme un cri resté trop longtemps caché. Un cri qui attendait. Qui attendait le bon moment. Il sortit comme s'il avait toujours été là, pourtant. Primal, préservé et percutant. C'était comme s'il avait autorisé Stéphane à devenir ce qu'il était depuis la nuit des temps. Un animal. Il tira sur ses chaînes si fort que ses bras et son corps suivirent et il n'eut qu'à simplement retendre ses bras pour tomber sur le sol, le croc de boucher bringuebalant sous la violence de son effort. Déjà le projecteur qui lui rendait l'insoutenable encore plus cruel volait en éclat, plongeant l'obscurité dans le bleu d'une gendarmerie arrivé en renfort. Quant à lui, sa force ne l'avait pas quitté. Il se releva d'un bond et en deux foulées se trouva derrière l'homme au keffieh. Un seul coup suffit à le renverser. - Stéf ! Stéf ! Couche toi au sol. Couche toi ! Ils vont t'abattre ! Autour de lui, le bruit des pas des forces d'intervention avançaient rapidement, aussi implacables que leurs balles. Et il aurait se coucher. Il aurait se baisser et attendre. Mais elle était là, au dessus de lui. Et c'était si obscène qu'il préférait mourir que de le voir plus longtemps. Il souleva le corps de Juliette et la porta dans l'ombre. Là, il la reconnut enfin. Ce qui restait de son regard lui gonfla le cœur. Ce regard était tellement dur qu'il sut qu'elle était partie comme elle avait vécue. Libre. Il revint sur ses pas après lui avoir fermé les yeux. En se projetant dans la lumière bleutée, les bras bien en évidence, il vit que le terroriste était déjà à terre. Il avait toujours la dague à la main. Il était face contre terre. Mais sa barbe avait disparu. Au dessus de lui à quelques mètres, la lumière rouge du petit caméscope ne tournait plus. Quelque chose clochait. - Écartez vous du suspect ! Maintenant ! A trois nous faisons feu ! Un ! Stéphane savait qu'il devait les écouter. Il devait écouter les voix qui tournoyaient autour de lui. Celle qui lui disait de se coucher. Comme les ordres qu'on lui intimait. Seulement il devait en avoir le cœur net. Il se jeta sur le terroriste pour le voir en face. - Deux ! Lâchez le suspect ! Il lui retira les restes de barbes comme les faux sourcils mal collés. Enfin, il donna une pichenette sur le keffieh amidonné. Et là, il comprit que le Diable était de ceux que l'on croit sans les connaître. - Trois
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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