Robert Longeron n'était pas tranquille. Il ne l'avait jamais été. Le stress était ce qui l'avait conduit il était. Tout en haut de la chaîne alimentaire. Il était millionnaire. Il habitait le quartier Saint Hilaire. Il possédait deux villas . A Biarritz. Et à Monaco. Il avait des amis influents. Très influents. Il avait une femme, une autre et toutes celles qu'il voulait. Il avait du bide. Un gros bide. Et l'allure débonnaire qui va avec. Il avait un look de péquenaud. Dans son dos on disait qu'il avait passé du temps en Sicile. A Corleone. Et qu'il leur avait tout piqué. C'était entièrement faux. Il venait de Sanxay. Et s'était retrouvé aux Couronneries quand son père avait fini de boire la ferme. Depuis il avait la rage. La rage des oubliés et des incompris. Il avait aussi des ulcères. Et de moins en moins de cheveux. Il avait 50 ans depuis la veille. Il venait de les fêter. Il ne se souvenait plus qui il avait baisé en dernier. Ni qui restait au bord de sa piscine. Ils étaient encore trop nombreux. Leurs ronflements de parasites couvraient le ronronnement de sa machine à expresso. Il but le premier comme il s'était enfilé son dernier rail de coke. D'une traite. Il mit un sucre dans le second. Et gueula pour réveiller ces enculés. La piscine sentait la merde. Il poussa la dernière pute dedans. Elle cria et sortit de l'eau aussi vite qu'elle y était entrée. « Dégage » lui dit il en soufflant sur son deuxième expresso. Elle ne se fit pas prier et renfila sa robe à même la peau. Il poussa sa culotte dégueulasse dans la piscine et appela Gus. Il entendit les pas de son homme de main gravir l'escalier en béton du sous sol. Gus n'avait pas fait la fête. Quand il se pointa devant Robert, il portait sa cote bleu de paysan et sentait déjà le déchet. Robert lui montra la piscine d'un signe de tête et Gus répondit par le même avant de tirer le volet et d'étouffer l'odeur. La pièce venait de perdre la moitié de sa superficie. Et de retrouver une atmosphère plus propice à ses inquiétudes. Il regarda Gus commencer à repêcher les monceaux de saloperies que les abus de la veille avait fait flotter. Le gars était robuste. Il avait le même âge que lui mais n'avait ni son bide, ni ses ulcères. Il refusait toujours de faire la fête, même après 30 années d'amitié. Quand ils étaient mômes à Sanxay, il refusait déjà de finir les canettes de son père avec lui. Il n'avait jamais réussi à savoir quel était son vice. Et ça l'inquiétait. De plus en plus. Toute zone d'ombre était un danger potentiel. Un risque. Et le risque, quand on est tout en haut, c'est de tomber. De très haut. Robert se demanda si il devait s'en débarrasser avant qu'il ne soit trop tard. Peut être même aujourd'hui. Son cœur palpita plus fort. D'un seul coup. Non. Il aurait toujours besoin de lui. Et de son silence. Il y a des risques qu'il faut savoir prendre. Et des secrets avec lesquels il faut vivre. Même quand ce ne sont pas les vôtres. Il finit son deuxième expresso et fit couler le troisième en se roulant un joint de marijuana. Ses mains tremblaient. Il buvait trop. Et ça l'inquiétait. Tous les matins il regardait si ses yeux ne devenaient pas jaunes. Quand ceux de son père avaient viré de cette couleur, il avait tenu deux semaines avant de crever comme un chien dans son vomi. Cette mauvaise blague lui faisait peur. Il tira une grosse bouffée sur son joint. Son cœur ralentit d'un coup dans sa poitrine. Il regarda dans la glace au dessus du bar et vit que ses yeux étaient toujours blancs. Dessous, la bouteille de gin se foutait de sa gueule. Il lui fit une grimace. « Tu ne me baiseras pas aujourd'hui salope » lui lança t il mentalement. Il lui tourna le dos et s'écarta du bar. Par la baie vitrée, il voyait le clocher de l’église Saint Hilaire. Il voyait aussi ses arcanes, ses voûtes et ses brisures. Jamais il n'avait pu trouver plus de paix que devant ce lieu. Il y allait religieusement toutes les semaines. Les gens le saluaient. Il était respecté. Toutes les grenouilles de bénitier lui faisaient la bise. Et le prêtre l'appelait Robert. Ici, tout le monde l'aimait. Normal , il allait à l'église, donnait aux pauvres et souriait à tout le monde. Et surtout, il ne s'était jamais confessé. A personne. Ça les aurait inquiétés. Cette pensée brisa son visage. Ses couronnes en argent brillèrent dans son reflet. Un requin ne navigue pas à la surface. Jamais. En voyant la présidente du Rotary passer deux étages plus bas et cent mètres plus avant, loin au delà du mur d'enceinte de sa maison vieille de plus de trois siècles, il pensa « C'est qui le pécore maintenant bandes de sales fils de putes ? ». Il finit son joint en riant. Cette beuh était la meilleure qu'il n'ait jamais fumé. Rien à voir avec ce qu'il vendait. Trop cher. Celle ci elle venait d'Amsterdam, avait été génétiquement modifié et coûtait un bras. Voire une couille. D'y penser lui fit mal à l'estomac. Il s'en roula un autre, regarda Gus en était puis constata à l'horloge qu'il pouvait commencer à sonner ces gens. - C'est moi. - Bonjour patron. Bon anniversaire. - Merci. Alors ? - C'est ce qu'on pensait - Nom de Dieu de bon Dieu, c'est vraiment toutes des sales putes, nom de Dieu de Bon Dieu - On s'en occupe ? - Oui. Net et sans bavure. Et tu vois avec l'autre pour une autre planque. C'est pas le moment de tomber en rupture de stock - Je vous tiens au courant. - Heure par Heure. - Oui patron. Quand il eut jeté le téléphone contre le miroir du bar, il lui sembla que le visage éclaté qu'il voyait était bien plus que son reflet. Cela lui sembla comme le prélude de ce qui l'attendait.
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