Les
gars
allaient
arriver
d'une
minute
à
l'autre.
Muhammad
regarda
sa
montre
une
fois
encore
mais
le
temps
ne
passait
pas
plus
vite.
D'une
minute
à
l'autre.
Juste
le
temps
de
finir
ce
qu'ils
avaient
entamé.
Autour
de
lui,
Moussa
et
Abdelkader
avaient
fini
de
mettre
en
place
le
décorum
et
surveillait
leurs
deux
proies
au
dessus
de
sa
tête.
Le
camion
arriva
avant
qu'il
n'ait
le
temps
de
se
grimer.
Il
accueillit
ses
amis
d'enfance
comme
il
se
devait,
chaleureusement.
Il
savait
son
salut
lié
au
leur.
Il
ramassa
sa
djellaba,
sa
fausse
barbe
et
son
turban
pour
aller
à
leur
rencontre.
Déjà
les
filles
se
dirigeaient
vers
le
fourgon
à
bestiaux
sans
ne
dire
un
traître
mot.
Déjà
au
courant
de
ce
qui
les
attendait.
Ou
du
moins
suffisamment
abreuvées
de
la
légende
urbaine
qu'ils
avaient
fait
naître
pour
croire
leur
vie
terminée.
Ce
n'était
pas
tout
à
fait
le
cas.
Elle
allaient
servir
la
Cause.
Et
permettre
aux
combattants
de
pouvoir
évacuer
la
dureté
des
combats.
Sur
elles.
En
elles.
Aussi
souvent
qu'ils
leur
plairaient.
Aussi
longtemps
qu'elles
tiendraient.
Alors
leur
vie
n'était
pas
fini.
Elle
virait
simplement
à
l'enfer.
Il
les
regarda
avancer,
la
plupart
saoules
ou
camés
jusqu'aux
yeux
et
s’asseoir
au
fond
du
camion
dont
l'odeur
s'étiolerait
jusqu'aux
frontières
orientales
de
la
Turquie,
là
où
tout
commencerait
pour
elle.
Déjà,
là
bas,
elles
n'auraient
plus
conscience
de
rien.
Ni
de
leur
condition
présente,
ni
de
celle
à
venir.
Trop
en
manque.
Trop
maltraitées.
Trop
perdues.
C'était
le
but.
Elles
n'étaient
rien.
Elles
le
resteraient
aussi
longtemps
qu'elles
le
pourraient.
Ou,
comme
ils
le
disaient
,
aussi
longtemps
qu'Allah
le
voudrait.
Il
fit
signe
à
l'une
d'entre
elle
d'avancer
plus
vite.
Le
temps
était
si
clair
que
toute
voiture
qui
passerait
trop
près
les
verraient.
Il
fallait
activer.
Il
ramassa
un
sac
à
main
le
colla
violemment
contre
la
pauvre
gamine
à
qui
il
appartenait
et
la
poussa
pour
qu'elle
aille
plus
vite.
Elle
trébucha
et
son
pote,
uniforme
de
police
impeccable,
finit
de
l’entraîner
par
la
force
jusqu'au
camion.
Il
s'avançait
vers
son
autre
collègue
posté
devant
le
trafic
de
la
police
lorsqu’il
crut
entendre
un
bruit
au
niveau
de
l'entrée.
Tout
s'arrêta.
Il
fit
signe
à
la
fille,
l'avant
dernière,
de
s'arrêter.
Le
silence
les
enveloppa.
Il
prit
conscience
à
quel
point
il
faisait
encore
chaud.
Ce
devait
être
ça.
La
chaleur.
Le
manque
de
sommeil
aussi.
Ses
sens
partaient
en
vrille
sans
doute.
Ce
n'était
qu'un
lapin
qui
avait
brisé
une
brindille.
Il
fit
signe
à
son
pote
et
les
deux
dernières
filles
sortirent
se
réfugier
dans
le
camion
à
l'odeur
âcre
et
laineuse
de
mouton.
Quand
il
referma
le
camion,
il
se
demanda
combien
le
Calife
versait
à
Bob
le
Tox.
Lui
n'en
voyait
rien.
Tout
ce
qu'il
savait
c'était
que
son
commerce
prenait
fin
ce
soir.
Il
n'avait
pas
assuré.
Il
n'avait
pas
protégé
les
intérêts
de
la
Cause.
Il
était
mort.
Comme
son
pote
le
taiseux.
Quelque
part
cela
le
réjouit.
Un
enculé
de
moins.
Ou
plutôt
deux.
Il
voulut
allumer
une
cigarette
mais
Abdelkader
et
Moussa
était
déjà
à
côté
de
lui.
Il
entendit
à
nouveau
un
bruit
de
gravier.
Il
n'échappa
pas
à
Abdelkader
non
plus.
Sans
rien
dire,
celui-ci
disparut
vers
l'entrée
d'où
le
Trafic
partait
maintenant. Seul Moussa restait à côté de lui.
-
Tu
fumeras
plus
tard.
Il
faut
le
faire.
L'homme
va
partir
sous
peu.
On ne peut pas se le permettre.
En
lui
disant
cela,
il
lui
tendait
son
déguisement.
Il
était
temps
de
devenir
Muhammad.
D'être
Muhammad.
Même
au
delà
des
apparences.
En
avançant
vers
la
nuit
du
bâtiment
il
sentait
la
présence
de
Moussa
dans
ses
pas.
Quand
il
arriva
dans
la
lumière
des
projecteurs
au
sodium,
il
vit
que
tout
était
en
place.
L’ordinateur.
Le
relais
satellite.
La
caméra.
Bouton
d'enregistrement
prêt
à
être
actionné.
Il
fixa
sa
barbe
tant
bien
que
mal
après
avoir
enfilé
la
djellaba
et
le
turban.
Elle
le
grattait.
En
prenant
la
dague
que
lui
tendait
Moussa,
il
leva
les
yeux
jusqu'à
Juliette.
Du
haut
de
son
crochet
de
boucher,
elle
se
débattait
et
l'invectivait.
Il
n'entendait
rien.
Il
sentait
juste
Moussa
tout
proche
de
lui.
Il
comprit
alors
qu'il
reverrait
certainement
les
champs
de
mandariniers
de
Blida.
Bientôt.
Mais
que
le
chemin
qu'il
avait
choisi
pour
les
rejoindre
ne
lui
laisserait
jamais
le loisir d'en jouir. Qu'il survive ou pas à cette nuit.
47
L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
Depuis 2017