Robert Longeron n'en revenait pas. Cela faisait deux jours qu'il restait cloîtré et personne n'avait pris de ses nouvelles. Il serait mort que ce serait pareil. Au fond personne n'en a rien foutre de personne. Son business tournait pour ainsi dire sans qu'il n'ait plus besoin de faire quoi que ce soit. Même pas de tuer quelqu'un. Ou ne serait ce que le menacer. Pourtant en ces instants, il aurait bien voulu arracher les couilles à quelque petit enculé. Histoire de passer ses nerfs. Et de se rappeler qu'il était encore vivant. Et patron. Le pire étant que, même cela, il ne l'avait pas fait lorsqu'il en avait eu l'occasion. Il avait préféré rire. Rire à des blagues qu'il n'avait pas compris. Les petits dealers qui portaient dans leurs chaussettes le fruit de son entreprise n'avaient même pas pris la peine de ne pas se foutre de sa gueule. C'était un signe. Un signe évident. De ce qui s'annonçait. De ce qui était. Fini. Il était fini. Et tout le monde s'en foutait. Lui aussi au fond. Il avait baisé plus de gonzesses que tout les vieux de son quartier réuni. S'était enfilé plus de bibine que tous les punks des Cordeliers. Et sniffé plus de coke que tout le relais Charbonnier. Sa vie avait été ce qu'il en avait fait. Pas ce qu'on lui avait dit d'en faire. Et depuis le jour où, saoul comme son père, il avait enroulé la ceinture du père de Gus autour de son cou, plus personne ne lui avait donné d'ordre. Alors, inquiet ou pas, regretté ou pas, il savait qu'il les avait tous baisé ces enculés. Il porta le verre de vodka à sa bouche et but. Ça ne brûlait plus rien. Sa tuyauterie était tellement habituée qu'elle devait être comme immunisée contre la brûlure. Il leva la tête et regarda son reflet dans le nouveau miroir de son bar. Il n'avait presque plus de cheveux. Des cernes lui bouffaient le visage et la vodka avait tellement tanné sa peau qu'elle était rugueuse à voir. Bob le Tox. Il était devenu ce qu'on disait de lui en fin de compte. Il renifla un grand coup et posa le verre sur le bar. Il n'avait même plus envie de casser quoi que ce soit. C'était lui qui était brisé. Depuis longtemps. Depuis toujours. Oui. Finalement, la vie avait fait de lui ce qu'elle avait voulu. Bob le Tox. On ne gagne pas contre le monde entier. C'est trop. Trop pour un seul homme. Trop pour un homme seul. Il regarda son portable. Gus ne répondait pas. Il l'avait lâché lui aussi. Jamais il n'aurait accepter de fournir ces putes. Jamais il n'aurait croire que les flics valaient mieux que les autres. Jamais il n'aurait sous estimer une femme. Jamais il n'aurait boire. Fumer. Sniffer. Il aurait cultiver la terre comme son père ne l'avait jamais fait. Trouver une femme. Fonder une famille. Et vivre entouré des siens. Résistant au monde comme seul un homme peut le faire. Il tourna le dos au miroir après avoir rempli son verre à ras bord et s'assit sur le fauteuil qui jouxtait sa piscine. Il faisait trop chaud pour penser à tout ça. A moins que ce ne soit parce qu'il faisait si chaud que son cerveau lui jouait des tours. Au moment il se retrouvait en slip, son portable vibra sur la table basse, bousculant son verre. - Quoi ? - C'est moi. Tout doit être prêt pour après demain. - La livraison ? Ok. Et ma thune ? - Dans la foulée. Sur place. J'ai autre chose à vous dire. - Quoi ? Je vais avoir droit à des indemnités pour le bordel que t'as foutu ? - Non. - Une ristourne au moins. - Non. L'enculé qui nous court après. On l'a serré. - Il est mort ? - Oui. Et Gus aussi. - Oh. - M. Longeron ? - Quoi ? - Je sais pas. Je vous entendais plus. - Non. Rien. Tout sera prêt. - Parfait. Merci. Robert Longeron jeta directement le portable dans la piscine, se gratta les couilles après avoir enlevé son slip et but d'une traite son verre avant de plonger la tête la première. Au moins avait-il une bonne raison de picoler maintenant.
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L’ANTIDOTE
La nuit de l’abattoir
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